Articles de René Gibère parus dans Force Ouvrière
Force Ouvrière n°501, daté du 22 septembre 1955.
Dans l'histoire du mouvement syndical une place importante est réservée aux congrès confédéraux qui par leurs objectifs et par leurs résolutions
préparèrent la voie à l'amélioration de la condition ouvrière. C'est un fait indéniable que la plupart des revendications, obtenues depuis plus d'un demi-siècle, ont été énoncées, discutées et
formulées d'abord aux congrès confédéraux, avant qu'elles ne soient conquises par des luttes persévérantes.
Nous avons pensé qu'il serait intéressant de jeter un regard rétrospectif sur quelques un de ces congrès historiques où jadis, non seulement les problèmes vitaux de la classe ouvrière, mais la
destinée même du syndicalisme français, étaient le thème des rapports et des interventions des délégués.
Certes, l'évolution industrielle et le progrès social ont engendré des revendications nouvelles et ont modifié, dans une certaine mesure, la structure des organisations et la technique de
toutes actions syndicales. Or, cette modification n'a jamais pu prendre forme, sans la décision et l'adhésion des congrès corporatifs, où de grands événements se sont passés qui ont marqué,
d'une manière décisive, l'orientation du mouvement ouvrier contemporain.
Parmi les premiers congrès, un des plus intéressants fut le quatrième, tenu à Rennes, le 26 septembre 1898. Les questions qui figuraient à l'ordre du jour, reflétaient les préoccupations
soucieuses des syndicalistes de l'époque.
Ainsi le ravage de l'alcoolisme qui sévissait dans le milieu ouvrier et que Zola a dépeint avec un saisissant et sombre réalisme dans L'Assommoir, avait incité le congrès de Rennes à
voter une résolution sur l'antialcoolisme, en des termes significatifs: «Considérant que l'alcoolisme atrophie la conscience et réduit la force de résistance du prolétariat, suggère la
réduction de la journée de travail, l'application au travail humain de règles hygiéniques et rigoureuses. La garantie de conditions humaines de travail et l'élévation des salaires donneront aux
travailleurs la possibilité de s'affranchir du besoin d'alcool.»
D'autre part, l'exploitation honteuse de la main d'oeuvre féminine, qui durait encore à la fin du siècle dernier, fut particulièrement discutée. La résolution sur le «Travail des femmes»,
réclamait énergiquement l'application du principe: «A travail égal, salaire égal» pour la femme qui doit subvenir à ses besoins... Qu'une active surveillance des industries insalubres et
dangereuses ait lieu... Empêcher le travail féminin dans certaines professions qui sont une cause de démoralisation et retarde leur émancipation... Application de la loi de 1892 sur le travail
des femmes et de la journée de huit heures, avec repos hebdomadaire à toutes les ouvrières et employées.
C'est à la suite de la campagne de la Confédération Générale du Travail qu'une nouvelle loi fut promulguée, le 29 décembre 1900, réglementant les conditions de travail des femmes.
De même, l'exploitation des enfants par les patrons, sans scrupule, avait longuement préoccupé le Congrès qui recommanda aux syndicats d'exiger la mise en pratique de la loi, relative au
contrat d'apprentissage, pour mettre fin aux abus révoltants. Deux ans plus tard, une loi stipulait, en effet, les conditions de travail des enfants.
Ainsi, certaines de ces résolutions, de caractère social, votées par le congrès confédéral de 1898, furent transformées en lois et mises en application, dont le mérite revient d'abord à la
Confédération Générale du Travail qui, soucieuse de l'intérêt de la classe ouvrière, prit, pour la première fois, l'initiative nécessaire.
René Gibère
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