Ça fait un moment que ça dure. Les salaires stagnent, les prix à
la consommation s’envolent et le pouvoir d’achat reste la préoccupation centrale des salariés. Une conférence gouvernementale a bien eu lieu sur le sujet mais aucune mesure concrète n’en est
sortie (voir notre article du jeudi 25 octobre 2007). Alors, faute de réponses sérieuses des
pouvoirs publics et des employeurs, les conflits salariaux ne peuvent que se multiplier.
En attendant la journée nationale de grève des fonctionnaires (20 novembre) à l’appel de tous les syndicats et après la grève des hôtesses et stewards à Air France, ce sont les marins-pécheurs
qui retiennent l’attention. La pêche artisanale étant touchée de plein fouet par la flambée des prix du gazole à la pompe, plus d’un euro le litre en moyenne, ils sont en grève pour réclamer des
mesures d’aide au secteur. Le mouvement est parti vendredi du Finistère avant de se propager à tous les ports de Bretagne, de la Loire Atlantique de la Manche et de la Vendée. La journée d’hier a
été marquée notamment par le blocage de raffineries de pétroliers ou de navires de commerce sur toute la façade atlantique. Laissant leurs chalutiers à quai, des centaines de pêcheurs ont
participé ainsi à ces manifestations. «La grève va se poursuivre» car «les pêcheurs ne lâcheront rien», a prévenu Liliane Cariou, la présidente du comité des pêches de Lorient.
Soumis aux quotas européens et aux aléas de la vente aux enchères à la criée, le monde de la pêche vogue sur une drôle de galère. Tous les marins-pêcheurs, les patrons comme les salariés, sont
rétribués dans le cadre du système de «rémunération à la part», sensible au chiffre d’affaires. «Avec ce système, le salaire perçu par le marin-pêcheur se calcule sur la base du résultat net de
la pêche, une fois déduit les frais dits "communs" à l'armement et aux salariés, dont le coût du carburant», explique le secrétaire général de l’UD-FO du Finistère Marc Hébert, dont
l’organisation soutient les salariés en lutte. Sachant que la pêche artisanale est très gourmande en carburant, les revenus des bateaux n’ont cessé de chuter depuis le début de l'année, date des
premières hausses du gazole. Celui-ci représente aujourd’hui pas moins de 35% du produit de la pêche, plombant d’autant la rémunération de l’équipage (30%). Jusqu’en 2005 un «fonds gazole», mis
en place par les pouvoirs publics, permettait bon an mal an d'atténuer les hausses des prix et d’assurer un salaire minimum. Mais depuis sa suppression l’an dernier, sous la pression de
Bruxelles, rien n’est venu le remplacer. Les marins réclament aujourd’hui un dispositif de rechange.
Au delà du secteur de la pêche, l’augmentation des prix du pétrole mais aussi celle des principaux biens de consommation (produit alimentaires) et services (loyers), le problème du pouvoir
d’achat touche tout le monde. Le gouvernement s'attend en 2008 à des gains de pouvoir d'achat encore plus faibles qu'en 2007 (1,7% contre 2%, selon le projet de budget). Ce n’est donc pas un
hasard si l’on voit fleurir des conflits salariaux un peu partout en France. À l’instar de Total, le pétrolier aux bénéfices record, qui est touché actuellement par des grèves dans ses filiales
de l’ouest et du sud-ouest.
Dans ce contexte plutôt tendu, les récentes déclarations de Christine Lagarde, ministre de l’Économie, résonnent comme une provocation. Face à la hausse du prix des carburants, «les Français
doivent adopter des comportements et des modes de consommation différents (.. .) pour préserver leur pouvoir d'achat et pour préparer l'avenir», a-t-elle affirmé dimanche dans Le
Parisien-Aujourd'hui en France. Le ministre a conseillé ainsi «de conduire moins vite, plus souvent en sous-régime qu'en surrégime» car «lever le pied, c'est rouler intelligent». Elle a invité
également les Français internautes à consulter le site internet de Bercy «qui donne les prix à la pompe dans 80% des stations-service recensées en France». Si cela ne suffit pas?, «Il faut
oublier son véhicule au profit de ses deux jambes et de ses deux roues (... .) Utilisons les bicyclettes», a-t-elle lancé aux plus sceptiques. Et d’ajouter: «on n'a pas de pétrole, mais des
idées!». Prendre les salariés pour des boy-scouts, en voilà une idée originale!
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