La direction du groupe d’aéronautique et de défense voudrait délocaliser des pans entiers de sa production vers la zone dollar, au motif que l’euro a un niveau trop élevé par rapport à la devise américaine. FO dénonce un raisonnement nul et non-avenu.
L’occasion fait le larron
à EADS!
Pour compenser le niveau élevé de l'euro face au dollar, les dirigeants du groupe européen d’aéronautique et de défense pourraient décider avant la fin de l’année de délocaliser une partie de la
production des Airbus vers la zone dollar. Selon le président exécutif d'EADS Louis Gallois, «le seul moyen de préparer l'entreprise à un dollar que plus personne ne maîtrise, c'est de
s'installer malheureusement en zone dollar» car Airbus vend en dollars des appareils produits en grande partie en euros. Le groupe perdrait ainsi plus d'un milliard d'euros à chaque fois que la
devise américaine se déprécie de 10 centimes par rapport à l’euro. Le constructeur ne garderait plus que la conception des avions et quelques chaînes d'assemblage sur le sol européen. «Nous
allons être obligés de faire fabriquer des pièces d'avion, des portes, des éléments de fuselage, des éléments d'aile», hors de la zone euro, a expliqué la semaine dernière M. Gallois qui a assuré
que l’impact «ne serait pas sensible immédiatement sur les usines en Europe» avant «la prochaine décennie». La direction se saisit ainsi du prétexte de la parité euro-dollar, un problème purement
conjoncturel, afin de justifier une décision structurelle lourde de conséquences pour l’emploi, notamment en France.
«Comment peut-on dicter la stratégie industrielle d'un groupe de hautes technologies à travers d’un (seul) critère aussi volatile et aussi fluctuant que la parité des monnaies?», s’est interrogé
le syndicat FO-EADS, avant de démonter point par point le raisonnement fallacieux de la direction du groupe européen.
«Nous avons beaucoup de mal à croire que l'impact de ce phénomène soit aussi directement proportionnel sur le résultat de l'entreprise. Nous savons tous que 70% des fournitures de nos avions sont
payées en dollar, à commencer par les moteurs, dont le coût pèse pour environ 30% sur le prix d'un avion. Alors quand le dollar baisse, nous achetons aussi les deux tiers de nos sous-ensembles
moins chers!», explique FO. Le syndicat rappelle également qu’«Airbus externalise déjà plus de 50% de ses charges, qu'elles soient d'études ou de production» et les coûts salariaux pèsent pour
moins de 20%». Par ailleurs, ajoute-il, «se baser sur la parité euro-dollar pour bâtir une stratégie industrielle risque de s'avérer dangereuse et même catastrophique, en cas de retournement de
conjoncture» car «on n’engage pas toute une industrie vers des choix, qui pourraient s’avérer irréversibles, sur la base d’hypothèses qui échappent à la maîtrise de l’entreprise». En 1993, fait
enfin observer le syndicat, les dirigeants de l’époque avaient justifié «un plan social sur le motif strictement inverse», c’est-à-dire «un dollar trop cher par rapport au franc!». Sans nier les
problèmes de parité monétaire, FO pense surtout que tout cela s’apparente à une opération destinée à passer en force l’externalisation de l’ensemble de la production
d’Airbus qui est rejetée par tous les syndicats.
Un processus déjà passablement amorcé avec les contrats signés ou en cours de négociations avec plusieurs pays clients. L'avionneur européen voudrait ainsi faire fabriquer
plus de 5% des éléments du futur biréacteur long-courrier A350 XWB aux industriels japonais. Il vient de signer un accord avec la Chine un accord sur la production complète de l’A320 et de 5% des
pièces de l’A350. Une proportion similaire de cet avion a été confiée à la Russie. La direction d’Airbus est également en négociation avancée avec l’émirat d’Abou Dhabi pour la finalisation d’un
accord identique. EADS n'exclut pas non plus d'assembler des avions ravitailleurs A330 aux Etats-Unis, au cas où le groupe remporterait l’appel d’offre portant sur 180 appareils. Et cette liste
n’est sans doute pas exhaustive si à chaque client, l’avionneur offre sa technologie.
«La France et l'Allemagne ont lourdement investi dans Airbus, ce n'est pas pour le voir partir par morceaux vers la zone dollar. L'État actionnaire fera tout pour dissuader EADS de délocaliser sa
production», a déclaré lundi le Premier ministre, François Fillon. L’État français est l’un des principaux actionnaires d’EADS (15% du capital). À ce titre, il peut empêcher, et pas seulement
dissuader, la direction du groupe de mettre en œuvre ses projets de délocalisation. Et ce même si Lagardère, actionnaire privé d'EADS, estime que l'État ne pouvait pas «aller contre l'intérêt» de
l’entreprise. Tout est une question de volonté politique.
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