Force Ouvrière de Côte d'Or

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La CGTFO a 60 ans ! - 201207

Publié le 20 Décembre 2007 par UDFO21 in AFOC 21

2007 - 2008 , nous commémorrons les 60 ans de la scission qui conduisit 
à la création de la CGTFO qui continue la vieille CGT.

Les décisions prise en 1947 ne furent ni faciles, ni évidentes.
Des dirigeants, souvent prestigieux comme Léon Juhaux, attachés à une
orgnisation qu'ils avaient construit au cours d'une vie de lutte,
soulignaient les difficultés qui suivraient une scission.
D'autres militants, souvent jeunes, agissant dans les UD ou dans les
entreprises, ne supportaient plus la main mise stalinienne qui les
empêchait de défendre les travailleurs.
A l'issue de débats animés et passionnés, où la liberté de parole fut
totale, ils décident ensemble, le 19 décembre de quitter la CGT
stalinisé, car ils constatent que le redressement interne est impossible.
Aujourd'hui, le mur de Berlin est tombé, le capitalisme n'a plus
d'intermédiaire international pour contrôler la classe ouvrière. Il doit
s'y prendre autrement, cherche à recruter ça ou là quelques mercenaires,
à domestiquer des organisations syndicales.
L'organisation des travailleurs sur le terrain de la lutte des classes,
par le syndicalisme confédéré libre et indépendant est toujours plus
intolérable au capitalisme. C'est pourquoi, sous l'impulsion de l'Union
Européenne, les gouvernements multiplient les mesures tendant à
transformer les syndicats en ONG, à séparer les salariés par secteurs et
par métiers, à empècher l'action syndicale interprofessionnelle.
Mesure après mesure, ils construisent la modialisation qui donne la
liberté totale aux investissements et le carcan corporatiste qui enferme
les travailleurs et les citoyens.
Mesure après mesure, le syndicalsme libre est poussé vers un
syndicalisme d'accompagnement prélude au passage à l'organisation
corporatiste par profession.
1947 - 2007 , les formes sont différentes, mais le fond reste le même et
les dangers sont semblables. Dans les débats de 1947 les analyses des
uns et des autres nous instruisent pour les débats d'aujourd'hui.
Comme hier, seule la discussion libre, l'analyse par chacun des
arguments avancés, permettront de trouver l'issue et de résoudre les
problèmes que nous avons à affronter.
Vous trouverez ci-dessous un rappel de la situation de 1947 et
quelques extraits significatifs des débats de qui ont conduit à la
création de la CGTFO.
Amicalement, en vous souhaitant de bonnes fètes de fin d'année.
Christian MAZOYER FGF-FO 21

18 - 19 décembre 1947 : 3ème Scission de la CGT,
12 – 13 avril 1948 : création de la CGTFO.
 
Après la Seconde Guerre mondiale, le PCF est au gouvernement et s'engage dans la "bataille de la production" au nom de la reconstruction nationale. Les communistes placent leurs militants aux postes clés de la CGT, deviennent majoritaires et jouent les briseurs de grève. En octobre 1946, Jacques Duclos (PC) nomme les fonctionnaires en grève, « forces obscures » et Charles Tillon, ministre communiste les taxe de « gréviculteurs ». Aux travailleurs qui doivent faire face à l’inflation et aux difficultés d’approvisionnement et qui réclament justice, les dirigeants communistes répliquent : Il faut " retrousser les manches ", " travailler d’abord, revendiquer ensuite ", " la grève est l’arme des trusts ", etc.
Dès 1945, des militants de la CGT , épris de liberté et de démocratie, las des méthodes staliniennes, des injures et des coups, commencent à partir pour constituer des syndicats indépendants qui rejoindront plus tard la CGTFO : métallurgie parisienne, rotativistes, PTT, cheminots,.... D’autres ne se résignent pas à abandonner la CGT et tentent de résister, ils forment le groupe Force Ouvrière.
Une nouvelle loi sur les conventions collectives est votée le 23 décembre 1946. Elle marque un véritable coup de barre interventionniste, les salaires sont bloqués par le gouvernement.
Résultat prévisible, des grèves éclatent notamment aux PTT, SNCF et chez Renault (fin avril 1947), soutenues par des membres de la CGT qui refusent la mainmise communiste.
 
Mais à Moscou, le Kremlin passe à l’offensive : Nouvelle ligne et début de la guerre froide. Les ministres communistes quittent le gouvernement le 4 mai 1947. Le PCF change totalement de discours et décrète, en dehors des structures syndicales et contre l’avis des salariés, des grèves à l'EDF, la SNCF, la RATP, aux banques, dans les mines... C'est le dérapage: les manifestations violentes et les occupations de bâtiments publics se multiplient. Le 30 novembre 1947, le parlement vote le rappel de 80 000 réservistes. Début décembre, le mouvement cesse aussi soudainement qu'il avait commencé, sans substantielle augmentation des salaires.
Avec tous les départs, le groupe Force Ouvrière ne se sent pas assez fort pour réussir une contre-offensive interne. Il faut donc partir. Le journal « Force Ouvrière », daté du 25 décembre 1947, raconte ce départ: «Les membres minoritaires de la Confédération Générale du Travail, groupés sous l'égide de "Force Ouvrière", ont, au cours d'une conférence nationale réunie à Paris les 18 et 19 décembre 1947, décidé de demander aux camarades Léon Jouhaux, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Pierre Neumeyer, Georges Delamarre de démissionner du Bureau confédéral. En militants disciplinés, ils ont remis leur démission vendredi après-midi au deuxième Secrétaire général de la CGT, Benoît Frachon.» Et Robert Bothereau d'expliquer la philosophie de ce départ: «Nous n'avons pas accepté le rôle d'otages que l'on voulait nous assigner. "La CGT continue", ont dit ceux qui se sont installés à son siège. Nous qui avons dû en partir, nous disons: "Nous continuons la CGT"» ».
Réunis les 12 et 13 avril 1948, les militants qui ont quitté la CGT stalinisée, fondent la CGTFO. Ce congrès constitutif est à la fois le I° congrès confédéral de la CGTFO et le XXXIII° congrès de la vieille CGT.
La CGTFO créée en avril 1948 continue la vieille CGT de 1895.

8 – 9 novembre 1947 :
Conférence des groupes Force Ouvrière, salle Lancry.
 
L’enjeu :
 
Bothereau, rapport introductif : « Nous sommes face à un dilemme brutal : Si nous voulons redresser la situation du mouvement syndical, il y a deux moyens qui s’offrent à nous : ou partir, ou rester »
 
Rester parce que :
 
Les ouvriers sont attachés à laCGT :
 
Bothereau :
 
Partir ! c'est très simple, dans l'état actuel des choses, avec une petite minorité _de camarades, car il y a, dans le mouvement syndical -excusez mon expression, elle ne s'adresse pas à nous en particulier- les énervés, les croyants, les convaincus des deux extrêmes, à un bout les communistes, et nous à l'autre bout. Il y a toute la grande masse du centre, qui déborde sur les ai1es, de camarades qui n'ont peut-être pas d'opinion précise sur l'indépendance syndicale, et à peine la connaissance des hommes qui les dirige et qui se laissent prendre très facilement à des slogans habiles et qui, au surplus -et je leur en sais gré- ont un attachement quasi dévot pour la grande Centrale dans laquelle nous sommes et qui ne quitteraient pas le drapeau portant les trois lettres C.G.T. Si nous devions partir, ce serait une petite fraction qui quitterait l'organisation syndicale
 
Partir c’est diviser :
 
Favier (Ain) :
 
Après la Libération, nous avons eu l'Union départementale, nous l'avons gardée. Pourquoi l'avons-nous gardée ? Parce que nous avons toujours été sur la brèche en toutes circonstances (…)
 
L'Union Départementale de l'Ain a fait un. travail actif pour la classe ouvrière. On ne fait pas de luttes stériles de tendances (…)
 
Si la scission se produit, vous n'aurez pas une C.G.T., mais deux, plus une C.N.T., plus les syndicats autonomes, plus toutes les chapelles. Vous aurez une désagrégation du mouvement ouvrier français. Cette désagrégation sera propice au premier chef à l’aventure gaulliste, et je crois que là nous prendrons des responsabilités graves contre la République.
 
Partir c’est renoncer aux luttes :
 
Fréour (Bâtiment) :
 
La lutte, mes camarades, n'est concevable qu'à l'intérieur de la C.G.T. (…)
 
Et puis, enfin, avant de vouloir prendre des décisions il serait peut-être nécessaire de mesurer l'effort. Quelle est notre influence parmi les travailleurs, parmi cette masse de six millions d'adhérents qui appartiennent à la C.G.T.(…)
 
Je veux admettre qu'il n'y ait pas une majorité de communistes, que la majorité des six millions ne soit pas de ce parti, mais il n'empêche qu'il y a présentement, malheureusement, et peut-être pour un certain temps. un nombre élevé de travailleurs syndiqués qui accordent leur confiance ou qui suivent les directives que donnent les syndicalistes communistes à l'intérieur de la C.G.T.
 
Il faut se battre dans la CGT :
 
Cappocci (Employés) :
 
C'est bien beau de dire aux militants d'en haut: distinguez-vous ! Quand on se distingue et que l'on va de l’avant dans les assemblées, on a plus personne derrière nous, parce que cela n'a pas, d'importance qu'on traite x ou y d'américains -c'est maintenant la mode- cela. n'a pas d'importance qu'on dise qu'ils touchent des dollars, mais les copains qui sont dans la salle ne veulent pas se le faire dire. Et puis, quand on demande aux camarades de venir dans les assemblées générales, ils n'y viennent pas, ou, quand ils votent,- ils n'osent pas voter contre parce qu'on fait des votes à mains levées, ils n'osent pas se distinguer et apparaître comme des briseurs de grève.(…)
 
Il y en a qui viennent nous dire que les staliniens sont tellement puissants, tellement enveloppants qu'on ne peut se battre qu'une fois sortis de la C.G.T. Mais, camarades, en 1940 nous avons connu autre chose, est-ce que le monde entier lui-même ne semblait pas débordé? Est-ce que toute espérance ne semblait pas abandonnée ? Est-ce que, quand même, espérant contre tout, nous ne nous sommes pas groupés pour nous battre et nous avons fini par vaincre? Est-ce que ceux qui ont fait cela vont se laisser submerger par un autre système? Est-ce qu'à l'intérieur de la C.G.T. on ne peut pas se dire la même chose? Nous avons raison, nous allons nous battre
 
Et Capocci de préciser : l’indépendance syndicale :
 
L'indépendance du mouvement syndical à l'égard des partis politiques et de tous les gouvernements quels qu'ils soient, français ou étrangers, ce n'est pas une formule en l'air.(…)
 
Il faut que nos camarades des groupes socialistes d'entreprises comprennent qu'ils ont, en tant que socialistes, une besogne particulière à faire parmi les travailleurs, la propagande socialiste, grouper autour de leur parti les éléments ouvriers, mais que les groupes Force Ouvrière ont aussi un tout autre travail, qui est de grouper les socialistes, les anarchistes, les gens sans parti, tous ceux qui, partisans de l'indépendance syndicale, veulent libérer la C.G.T. de !' emprise bolcheviste.(…)
 
Il ne faut pas rompre avec nos camarades de bonne foi qui ont été obligés de sortir, mais, là encore, faisons des distinguos, camarades. Je ne suis pas anticommuniste à la façon de De Gaulle, je ne suis pas anticommuniste à la façon des réactionnaires je reproche aux bolchevistes de ne plus être des révolutionnaires.(…)
 
Sous prétexte de défendre les intérêts des travailleurs, on les mène vers une dictature dont ils seront peut-être les premiers à se plaindre et contre laquelle ils devront se regimber
 
 
Une autre analyse de la situation conduit des militants à la conclusion inverse :
Partir pour sauver le mouvement syndical :
 
Irma Rapuzzi (Bouches du Rhône) :
 
Nous avons entendu déjà une longue suite d'orateurs qui sont venus nous faire part de leur point de vue ; les uns étaient partisans du départ de- la CGT- c'étaient, pour la plupart, des représentants d'U.D. Ils vous ont dit de façon précise dans quelles conditions ils étaient' amenés à militer à l'intérieur du mouvement syndical et que, pour la plupart d'entre eux, l'existence était devenue intenable dans un certain nombre d'organisations syndica1es (…)
 
Nous avons entendu aussi. des partisans acharnés du maintien à l'intérieur de la C.G.T. C'étaient, à l'exception du camarade du Pas-de-Calais, les représentants du Groupe Central. Il y a une grande cohésion et une unité de pensée parmi ces militants mais, pour ma part, ils ne m'ont pas convaincue, ni Capocci, ni Fréour, ni même Bothereau.(…)
 
Il ne faut pas négliger qu'il existe dans la masse des adhérents, et dans des corporations où nous ne le soupçonnions pas nous-mêmes il y a quelques mois, un courant irrésistible pour la 'libération du syndicalisme. Ce courant, il n’est pas toujours encadré et n'a pas toujours à sa ·tête l'équipe nécessaire; il est aveugle,et si,. demain, vous ne voulez pas en prendre la tête, il ira peut-être aux pires aventures et se laissera entraîner par des hommes qui veulent essayer de canaliser ce mouvement ouvrier ; peut être suivra-t-il, demain, le général De Gaulle si Jouhaux, Bothereau et les autres militants qualifiés ne veulent pas se mettre à la tête de ce mouvement.(…)
 
Mesurez bien vos responsabilités : ou bien vous prenez la tête du mouvement de libération ou bien vous assistez à la désagrégation toujours accrue du mouvement syndical.
 
Aigueperse (PTT, Côte d’Or) :
 
Camarades, je voudrais· vous dire un mot sur la façon dont a été constitué le groupe «Force Ouvrière» dans le département· de la Côte-d’Or. Pour Dijon, on s'est efforcé de prendre des éléments extrêmement combatifs dans tous les syndicats, certains n'ont pas voulu le faire, d'autres y sont venus de bon cœur. Nous avons l'Enseignement, les Professeurs de Lycée, les Anciens Combattants, les Contributions directes, la Police régionale, les Municipaux, la Banque, la Police départementale, les Pompes Funèbres, le personnel des Asiles de fous, la Métallurgie, la Sécurité Sociale; l'Électricité de France, l'Hôpital général, les Hospices civils, l'Intendance, les Mécaniciens-dentistes, les Transports routiers, la Maison du Prisonnier, les cheminots.(…)
 
C'était un gros travail et, comme nous n'avions pas de fonds, il a fallu user d'un moyen pour en obtenir. Je ne sais pas ce que vous avez fait dans vos groupes pour en obtenir, mais chez nous nous avons organisé un bal superbement orchestré, puisque le chef d'orchestre était un communiste. Il suffisait de ramasser de l'argent et l'on s'en tire avec 18000 francs de bénéfices. Cela va nous permettre de rayonner dans le département et de consolider nos efforts (…)
 
Sur tous les syndicats que je vous ai énumérés, il y en a quatre qui sont contre la scission, les autres sont pour, à l'exception des P.T.T. - ce ne sont pas des gens comme tout le monde-. où c'est moitié moitié.
 
En 1948, Aigueperse devient le premier secrétaire général de l’UD CGT-Force Ouvrière de Côte d’Or.
 

18 – 19 décembre 1947 :
Conférence des groupes Force Ouvrière, salle des horticulteurs.
 
Le 18 décembre, Favier (Ain), partisan acharné, un mois plus tôt du redressement interne, reprend tous les points pour arriver à la conclusion contraire :
 
Comment agir le mieux dans l’intérêt de la classe ouvrière et de la démocratie ? Sans démocratie, il n’y a pas de défense des intérêts ouvriers. Les faits parlent pour nous. Les syndicats autonomes se multiplient, les départs individuels aussi, la désagrégation est un fait. La classe ouvrière attend quelque chose. S’il ne vient rien, c’est le chaos et le désordre.(…)
 
Je crois que la cause du redressement interne n’est plus à défendre. Vous savez quels moyens ils ont à leur disposition : les pressions, la terreur, les manœuvres et tous ces statuts des fédérations qu’ils ont su si bien rédiger pour se préserver contre les renversements de majorité (…)
 
Il ne reste que l’autre solution : partir. Beaucoup de nos camarades, je sais et je dois –c’est mon devoir- dire leur sentiment, ont cet attachement sentimental, profond, à l’unité, qui est très beau. Je vous pose la question : l’unité existe-t-elle toujours ? C’est à cette question qu’il faut répondre. Non, ils l’ont brisée, étant donné que la minorité n’a plus qu’à suivre et à obéir.(…)
 
Le redressement est-il possible ? Personnellement, je réponds non.
Le mythe de l’unité –car, c’est un mythe- est-il un obstacle au départ ? Je réponds non.
Les difficultés doivent-elles nous effrayer ? Je réponds non. Nous avons lutté contre l’ennemi, nous avons lutté contre les staliniens et devons continuer.
Notre rôle historique se précise aujourd’hui : si nous y manquons nous trahirons la classe ouvrière.
 
Capocci (Employés), fait le même constat :
 
Je considère qu’on pose mal le problème lorsque les camarades disent : devons-nous faire la scission ou ne devons-nous pas la faire ? Je voudrais examiner la situation à l’heure présente, parce que, la scission n’est pas à faire : elle est faite. Elle est faite, non pas de par la volonté de ceux qui étaient à la tête de Force Ouvrière. Elle est faite, parce que les camarades de la base s’en vont. (…)
 
Et les troupes s'en iront où? Vers certaines formations où il y a des militants sérieux, dans d'autres où il y a des gens dont on ne sait pas· trop d'où ils viennent, et puis d'autres qui s'en iront à l'aventure, avec quelque chose de plus grave dans leur cœur. Ils partiront avec la haine, non plus seulement des staliniens, mais de l'organisation dans laquelle ils étaient et qui les a menés à la misère. Avec cette haine au cœur, ils s'en iront vers des groupements qui leur amèneront davantage de mésaventures, j'en suis persuadé, mais ils iront à l'extrême, de l'autre côté, vers un dictateur à bottes quelconque (…)
 
Nous devons rassembler ces volontés, les ramener dans une Confédération ; cela n'est pas faire œuvre de division, puisque la division existe, la scission est là. C'est, au contraire, une œuvre de rassemblement des troupes qui s'en vont pour les empêcher de passer à l'ennemi ; vous entendez bien, c'est cela que nous devons faire, les rassembler et les mener au combat véritable. (…)
 
Mais, en même temps, nous aurons à évoluer dans des conditions très difficiles : la misère des travailleurs, la démagogie qui sera continuée par ceux qui se prétendent à notre gauche
Et puis, il y en a d'autres qui vont aussi essayer, comme Hitler l'a fait, comme Mussolini l'a fait, de s'appuyer sur une partie de la classe ouvrière désabusée et révoltée du bolchevisme et qui ne seront pas les moindres à faire de la démagogie. Nous aurons donc à nous battre, dans, la manœuvre générale, contre la démagogie des uns et des autres et, quelquefois, camarades, contre l'incompréhension de la classe ouvrière elle-même (…)
 
Je le répète et je termine en renouvelant mon appel aux jeunes qui sont ici, je vous ai dit: vous n'avez pas connu les heures de scission. Si vous prenez une telle décision demain, il faut vous attendre à vous battre avec plus de force et de vigueur qu'hier, et après demain encore plus. Si vous êtes prêts à cela, alors prenez vos décisions.
 
Un jeune militant, Darras (zone côtière Nord, Pas de Calais), lui répond :
 
On comprend que les anciens se souviennent de la belle C.G.T. d'avant 1936, les jeunes d'aujourd'hui ne peuvent pas s'en souvenir. Ce dont ils se souviendront, c'est de la C.G.T. d'après la Libération, dont le secrétaire général Frachon a pondu, pendant une quinzaine sanglante, des articles dans «l'Humanité» qui étaient des appels au meurtre. Pour nous, il n'est pas question d'abandonner une maison qui est la nôtre ; la maison que nous attendons, c'est celle que vous allez construire, c'est la maison de demain. Oui, notre respect va aux vieux militants ; il n'est pas question d'abandonner la C.G.T. Ce que nous voulons, c'est la «C.G.T.-Force Ouvrière ». A Dunkerque, dans l'Éclairage, vous nous embêteriez bien en ne faisant pas la scission aujourd'hui, parce que nous avons déjà des imprimés où il y a déjà le titre «C.G.T.-Force Ouvrière »
 
Jouhaux :
 
La C.G.T., c'est nous-mêmes et, à l'heure actuelle, c'est avec nous-mêmes que nous allons divorcer. C'est là le drame de !a question. Il est bien évident qu'on peut se laisser aller à l'enthousiasme, et c'est naturel, je le reconnais et j'en félicite tous les jeunes qui sont ici. L’engouement, c'est le lot de la jeunesse: ils ont l'avenir devant eux, la durée de la construction ne les effraie pas. Les difficultés peuvent aussi ne pas les effrayer. Il n'en est pas de même lorsqu'on porte le harnais du militant depuis de nombreuses années.(…)
 
Faire la scission, c'est facile, il suffit d'un vote
Mais je sais aussi que lorsqu'on a fait le geste de la scission, ce n'est pas le geste d'un moment, c'est un geste de durée
 
Le 19 décembre 1947, une très large majorité des délégués à la conférence des groupes Force Ouvrière vote la résolution qui déclare notamment :
 
La conférence considère que la véritable Confédération GénéraIe des Travailleurs continue en dehors de l'organisation existante qui n'a plus de la C. G. T. ,que le nom, puisqu’elle a violé délibérément ses propres statuts et bafoué les véritables principes du syndicalisme traditionnel
Tirant les conséquences logiques de cette situation qu'elle n’a pas voulue et qu’elle a tout fait pour éviter, la Conférence « Force Ouvrière »
- demande à tous ses militants responsables de constituer sans délai l'organisation sur le plan des syndicats, des Unions départementales et des fédérations, afin de préparer dès ,que possible un congrès. constitutif de la véritable Centrale confédérée de tous les travailleurs,
- demande à ses camarades du Bureau confédéral de démissionner de leurs postes;
-charge le Groupe Central «Force Ouvrière» d'assurer provisoirement la direction du mouvement et de prendre tous les contacts nécessaires en vue de réaliser le rassemblement le plus large
L'organisation «Force Ouvrière »affirme sa volonté de conserver à son compte, pour le faire triompher et appliquer intégralement, le programme constructif qui fut celui de ta vielle Confédération Générale du Travail dont elle se déclare la· véritable continuatrice.
 
Groupes fédéraux : 15 pour, 1 contre, 2 abstentions.
Groupes départementaux : 37 pour, 4 contre, 12 abstentions.
 
 
 
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