Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Cette réunion se tient à un moment où les perspectives économiques sont pour le moins incertaines, pour ne pas dire guère optimistes en France comme ailleurs. La crise des « subprimes » et ses conséquences sur l'économie réelle en sont une des raisons.
Comme le relevait ce week-end avec justesse un éditorialiste - je le cite : « la grande bascule porte sur le libéralisme. Celui-ci repose sur trois piliers : la mondialisation, l'Etat en recul devant le marché et le développement de la finance. Or chacun de ces piliers subit des chocs existentiels »- fin de citation. D'où l'intérêt, selon nous, d'un vrai débat sur la politique économique qui ne saurait, par exemple, être l'expression d'une seule pensée ou d'un seul modèle.
Dans un tel contexte, il nous apparaît essentiel de ne pas se tromper en préconisant des remèdes qui ne feraient qu'aggraver le mal ; l'un des enjeux étant d'obtenir un taux de croissance économique plus élevé dans le respect de normes sociales et environnementales.
La méthode a également son importance. En la matière, trois éléments nous apparaissent essentiels :
1. tout agenda, quel qu'il soit, ne saurait être un agenda fermé. D'autres thèmes peuvent être mis sur la table ou intervenir à tout moment.
2. il convient, dans le respect de la loi sur la modernisation du dialogue social de début 2007, de ne pas confondre loi et contrat, de laisser toute sa place au dialogue social, de respecter à la fois le rôle des interlocuteurs sociaux et celui du Parlement, comme il sied dans notre démocratie.
3. l'embouteillage des thèmes ou dossiers ne facilite pas l'efficacité et la « fluidité » du dialogue social.
Dans ces conditions, parmi les thèmes proposés, nous ferons une première distinction entre ce qui relève de la pratique contractuelle d'un côté, de la concertation - consultation d'un autre.
S'agissant de la pratique contractuelle à laquelle Force ouvrière est particulièrement attachée - je rappelle que c'est une des raisons motivant il y a 60 ans jour pour jour la décision qui allait conduire à la création de FO - trois thèmes sont directement concernés.
Le premier est celui de la modernisation du marché du travail pour lequel des négociations sont menées à un rythme soutenu depuis le mois de septembre et qui devrait aboutir d'une manière ou d'une autre en janvier. Cette négociation importante est délicate pour tout le monde mais c'est aussi un élément positif que les interlocuteurs sociaux s'en soient saisis sans fuir leurs responsabilités. Un peu de patience est donc encore nécessaire pour connaître l'issue de cette négociation.
Le second est celui des conditions du dialogue social avec en particulier la question de la représentativité syndicale (salariale ou patronale) et celle du financement syndical pour ce qui ressort du champ contractuel. Nous demandons aussi au gouvernement d'étendre l'accord de 2001 sur le dialogue social entre l'UPA et les cinq confédérations, tous les recours juridiques ayant été épuisés. S'agissant de l'articulation loi / contrat, autant Force ouvrière est fondamentalement attachée à la liberté de négociation, autant nous tenons à respecter le rôle du Parlement, un accord contractuel n'ayant pas la même valeur constitutionnelle qu'une loi. Nous sommes par ailleurs attachés à la hiérarchie des normes, démarche républicaine qui rend inutile l'accord majoritaire dérogatoire. Concernant plus spécifiquement la durée du travail, Force ouvrière n'accepte pas que la durée du travail soit décidée dans l'entreprise, ce qui conduit de facto à supprimer la durée légale du travail.
Le troisième est celui de la formation professionnelle où les partenaires sociaux ont une part importante de responsabilité, l'Etat et les régions ayant également les leurs. Sur ce point, nous sommes d'accord pour préciser dans un groupe de travail la délimitation des interventions, en clair le « qui fait quoi » sans confusion des genres. Sur ce point, nous sommes dans l'attente du bilan fait par le Comité Paritaire National pour la Formation Professionnelle et la négociation ne peut s'ouvrir qu'au deuxième semestre 2008.
Les autres points relèvent, selon Force ouvrière, de la concertation / consultation entre gouvernement et les interlocuteurs sociaux. Cela concerne notamment la conditionnalité des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale. C'est une des revendications de Force ouvrière. Sans préjudice d'un débat global sur le bien fondé des exonérations qui représenteront budgétairement un montant annuel de 30 milliards d'euros avec une compensation non intégrale à la sécurité sociale, il s'agit de moduler ces exonérations en fonction de la politique salariale dans les branches et les entreprises afin bien entendu de booster la négociation salariale.
Concernant ce qu'il est convenu d'appeler le service public de l'emploi, vous connaissez la position de Force ouvrière à l'égard de la fusion des réseaux Unedic / ANPE : nous n'y étions pas favorables considérant qu'il fallait poursuivre et activer le rapprochement qui était en cours, sans pour autant confondre deux missions complémentaires mais différentes : l'indemnisation et le placement.
S'agissant enfin de la réduction du taux de pauvreté, de la mise en place du RSA et du Grenelle de l'insertion, Force ouvrière sera bien entendu active avec pour objectif de faciliter l'insertion professionnelle sans confondre solidarité et assistance. De ce point de vue, un problème urgent se pose dès le mois de janvier : l'avenir de milliers de personnes en contrat d'avenir ou contrat d'accompagnement vers l'emploi dont le contrat arrive à échéance et qui n'ont aucune perspective.
Avant de conclure, Monsieur le Président, nous tenons à souligner quatre préoccupations qui nous apparaissent essentielles.
La première concerne le pouvoir d'achat des salariés et retraités dont l'augmentation est socialement et économiquement indispensable. En la matière, nous confirmons notamment notre demande de coup de pouce au Smic au 1er janvier, d'une vraie négociation dans la fonction publique, ainsi qu'une revalorisation des retraites conforme à l'indice prévisionnel d'inflation qui est revu à la hausse. Nous rappelons également que nous demandons une clause de rendez-vous automatique dans les branches après toute augmentation du Smic. Nous demandons enfin la mise en place opérationnelle du chèque ou d'une prime transport.
La seconde préoccupation concerne la réforme des stages qui doit maintenant rapidement se concrétiser par des réelles garanties nouvelles pour les intéressés.
La troisième préoccupation concerne les velléités de banaliser le travail le dimanche, dossier qui pose non seulement le problème du travail et de sa rémunération, mais aussi de la relation entre vie au travail et vie hors travail. J'indique aussi que l'amendement précipité du Sénat a fait avorter un protocole d'accord dans une grande enseigne de l'ameublement.
La quatrième concerne l'avenir du service public. De ce point de vue, les annonces relatives à ce qu'il est convenu d'appeler la RGPP sans concertation préalable nous apparaissent comme hâtives.
L'attachement aux principes républicains, dont le principe d'égalité, mérite selon Force ouvrière un débat préalable sur le rôle et les missions du service public, au sens large, dans notre République. La réforme de l'Etat, nécessaire, ne peut être acceptée et comprise que si elle s'inscrit dans le respect de ces principes.
Je vous remercie.
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