D’obligation de principe, la formation du salarié est devenue une règle plus contraignante pour l’employeur.
Le contrat de travail engage les parties qui le signent à respecter des obligations réciproques. On pense directement ici à l’obligation, pour le salarié, d’exécuter sa prestation de travail et, pour l’employeur, de rémunérer le salarié en contrepartie de ce travail.
Mais d’autres obligations, moins connues, moins évidentes à cerner, ont été dégagées par le juge, prenant appui sur le droit des contrats.
Parmi les obligations dégagées par la jurisprudence, on trouve l’obligation faite à l’employeur «d’adapter le salarié à l’évolution de son emploi» (Cass. Soc. 25 février 1992, n°89-41.634).
En 2002, le législateur vint consacrer cette jurisprudence en effectuant deux retouches législatives: d’une part, en modifiant l’article L.321-1 du Code du travail, lui faisant préciser que les licenciements économiques ne pourraient intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation auraient été réalisés et que le reclassement du salarié s’avérerait impossible; et en créant, d’autre part, un article L.933-2 dans le Code du travail, imposant à l’employeur d’adapter les salariés à «l’évolution de leurs emplois».
La loi relative à la formation professionnelle du 4 mai 2004 vint modifier la donne. Abrogeant l’article L.933-2, elle lui substitua le nouvel article L.930-1, qui ajouta à l’obligation d’adaptation des salariés à l’évolution de «leurs» emplois une obligation supplémentaire, plus générale, plus large aussi, de «maintien» de la capacité des salariés à «occuper un emploi».
Alors que cet article ne constituait, auparavant, qu’une obligation de principe, à caractère déclaratoire, la Cour de cassation (Cass. Soc. 23 octobre 2007, n°06-40950) vient d’y découvrir une véritable règle contraignante.
Reprenant à son compte la formulation de la loi, la Haute juridiction précise que l’absence de formation dont a été victime le salarié établit «un manquement de l’em-ployeur dans l’exécution du contrat de travail, entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture». En l’espèce, il s’agissait de deux salariées qui n’avaient bénéficié que de trois jours de formation alors qu’elles avaient respectivement vingt-quatre et douze ans d’ancienneté dans l’entreprise.
En dehors de toute procédure de licenciement économique et, plus généralement, de toute rupture, un salarié peut désormais invoquer devant le juge les carences de l’employeur en matière de formation et exiger réparation.
En amont, cet arrêt offre au salarié une arme lui permettant de faire valoir son droit à la formation. Tenu de veiller à l’employabilité de ses salariés, l’employeur ne pourra qu’être plus disposé à accepter une demande de formation émise par un salarié. Cet arrêt doit aussi l’inciter à adopter en matière de formation une attitude volontariste, en négociant notamment de véritables gestions prévisionnelles des compétences (GPEC). Plus généralement, cette décision encourage les syndicats à demander l’ouverture de négociations sur la formation.
En tout état de cause, l’absence d’accord GPEC ou l’échec des négociations dans cette matière ne dédouane pas le chef d’entreprise de son obligation d’adaptation et de maintien de l’employabilité.
Pour conclure, on peut se demander si cette décision n’est pas de nature à donner une nouvelle impulsion à la formation professionnelle et à renforcer le rôle du comité d’entreprise sur ce sujet.
Ce qu’il faut retenir
L’obligation d’adaptation et de formation des salariés se détache du licenciement économique pour devenir une obligation plus générale. En dehors de toute procédure de licenciement économique, l’employeur est tenu de veiller à l’employabilité de ses salariés. À défaut de respecter cette obligation, le travailleur peut prétendre à des dommages-intérêts qui peuvent se cumuler, éventuellement, avec des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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