Pénibilité
On n’est pas prêt de voir le bout
des négociations interprofessionnelles sur la pénibilité au travail. L’enjeu, rappelons-le, reste de définir des critères devant permettre au salarié exerçant un métier pénible de bénéficier
notamment d’un dispositif de cessation anticipée d’activité. Le patronat avait semblé un temps partager cet objectif. Il a depuis fait machine arrière. Mercredi, lors de la quatorzième réunion de
discussions, il est revenu ainsi sur plusieurs avancées que les syndicats (FO, CFDT, CFTC, CGC, CGT) pensaient acquises.
La délégation patronale a rejeté en particulier la possibilité de prendre en compte l’écart d’espérance de vie comme critère d’application de toute mesure de réparation (indemnisation des
salariés exposés), comme il s’y était engagé au cours des précédentes séances. Après avoir affirmé que toutes les études (INSEE, DARES, INED, etc.) se trompent en établissant un lien direct entre
pénibilité et diminution de l’espérance de vie, François-Xavier Clédat (MEDEF) a affirmé qu’«on ne (pouvait) pas s'attacher à l'examen de catégorie socio-professionnelles en entier, sans
distinguer quelles seraient la contribution de la santé, de l'alimentation, du mode de vie et bien sûr du travail». Devant la stupéfaction des interlocuteurs syndicaux, il a appelé à relativiser
cette question en proposant de la traiter uniquement sous l’angle de l’amélioration des conditions de travail.
En se débarrassant ainsi d’un des critères les plus objectifs, le patronat a clairement signifié aux syndicats qu’il écarterait tout ce qui pourrait ressembler à des dispositifs (collectifs) de
départ anticipé à la retraite. Et ce pour mettre en avant une approche médicale et individuelle de la réparation des préjudices causés par l’exposition récurrente à la pénibilité. Dans un nouveau
document de travail intitulé «amélioration des conditions de travail et réduction de la pénibilité du travail», le patronat a esquissé un dispositif expérimental pour «aménager la fin de carrière
par une cessation d'activité à temps partiel, progressive, pour les personnes exposées à trop forte pénibilité et dont un médecin du travail ou une commission (médicale) dirait qu'il faut alléger
la charge de travail». L'employeur paierait alors le mi-temps tandis que la «solidarité nationale» prendrait «en charge, au moins en grande partie, le montant de la compensation, pas forcément à
100%», a indiqué M. Clédat.
Une «provocation», a dénoncé Michelle Biaggi (FO), qui a commencé par contester le fait que les études sur l’impact de la pénibilité sur la santé et l’espérance de vie ne
pouvaient pas être exploitables et utilisables dans cette négociation. Avec l’ensemble des autres syndicats, elle a demandé ensuite que tous les sujets mis sur la table depuis le mois de
septembre – prévention, prise en compte de l’exposition à la pénibilité et réparation – restent dans le champ des discussions et soient débattues lors des prochaines réunions (6 février, 4 mars
et 25 mars).
Pour les syndicats, il ne doit pas y avoir d’ambiguïté sur l’objectif recherché: faire valoir un droit anticipé pour les salariés qui ont un risque d’exposition important à la pénibilité et
statistiquement une espérance de vie moindre que les autres salariés. Selon l’étude présentée le 22 janvier 2008 par l'Institut national d'études démographiques (INED), l'espérance de vie des
ouvriers est inférieure de quatre ans à la moyenne et de six ans à celle des cadres supérieurs. Sur le champ d’application, ils revendiquent que les dispositifs de réparation soient accessibles à
tous les salariés du privé.
Car, a expliqué FO, toutes les catégories professionnelles doivent être intégrées et c’est seulement en fonction des critères retenus, qui restent à définir, que les salariés pourront ou non en
bénéficier. D’où cette l’opposition syndicale résolue à la médicalisation des critères proposés par la partie patronale.
Après la séance «catastrophique» du 23 janvier (dixit la CFTC), les syndicats se sont demandés si le patronat a décidé de jouer la montre afin de renvoyer le problème au rendez-vous sur les
retraites, prévu au printemps. Histoire de rendre un fieffé service au gouvernement qui présenterait alors un nouvel allongement de la durée de cotisation des retraites en échange de concessions
sur la pénibilité.
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