La journée de solidarité est ce dispositif inique mis en place par la loi du 30 juin 2004 et matérialisé principalement à l’article L.212-16 du Code du travail («La journée de solidarité: mise en place, conséquences et réactions», InFOjuridiques n°49, mars 2005). Accouché dans la douleur, le «bébé», difforme et mal né, connaît encore aujourd’hui de multiples critiques. Il est susceptible de faire l’objet d’une nouvelle modification, selon les déclarations récentes du ministre du Travail. On parle de la suppression de la référence au lundi de Pentecôte, et d’un libre choix concernant les modalités de fixation du jour de travail supplémentaire (une loi en ce sens sera d’ailleurs nécessaire).
Malheureusement, la suppression pure et simple du dispositif inique, comme le revendique la Confédération Force Ouvrière depuis le départ, ne semble pas être à l’ordre du jour. Pire, le Conseil d’État vient de débouter une confédération (la CGC) qui considérait que le législateur avait mis en place un système méconnaissant les conventions internationales interdisant le travail forcé (CE 9-11-07, n°293987). La haute juridiction administrative valide de ce fait la retenue sur salaire opérée par le directeur d’un centre hospitalier à l’encontre de l’un des agents en grève le lundi de Pentecôte.
Restait une voie d’espoir, celle du juge judiciaire. Mais malheureusement, c’est sans surprise que la Cour de cassation considère qu’une absence, qu’elle soit injustifiée ou pour fait de grève, à l’occasion de la journée de solidarité, doit être considérée comme une absence un jour «normal». L’exception d’inexécution permet à l’employeur de retenir un jour de salaire sur la rémunération du mois (Cass. soc., 16 janvier 2008, n°06-42.327 et n°06-43.124, PBRI).
L’argument du salarié, dans l’affaire liée à la grève, était constitué ainsi: la journée de solidarité constituant un jour de travail supplémentaire sans augmentation de salaire corrélative, il s’agissait alors d’un jour de travail gratuit. Dès lors, on ne pouvait retenir sur la rémunération du salarié gréviste un jour de salaire (au titre de l’article L.5211 du Code du travail). Cette argumentation est balayée par la Cour de cassation, qui retient en premier lieu que le salarié était rémunéré ce jour-là, par le biais de la loi de mensualisation du 19 janvier 1978. Dès lors, son absence pour fait de grève autorisait l’employeur à pratiquer une retenue sur salaire, laquelle ne constituait pas une sanction pécuniaire tant qu’elle était strictement proportionnelle au temps de grève (pourvoi n°06-42.327). La solution aurait cependant été différente si la journée de solidarité avait été fixée un jour habituellement non rémunéré pour le salarié.
Le même raisonnement est opéré à l’occasion du pourvoi n°06-43.124. Le salarié était absent, sans justification. Il s’était vu retirer sept heures de salaires. Le conseil de prud’hommes de Romans-sur-Isère avait considéré que cette retenue constituait une sanction pécuniaire illicite. La Cour de cassation reproche aux juges du fond de confondre jours fériés et jours chômés (sur ces termes voir «Quand les jours fériés se confondent», FO Hebdo n°2833, 23 janvier 2008, et InFOjuridiques janvier 2008, à paraître très prochainement) et casse le jugement, toujours en se référant à la loi de mensualisation. En effet, l’article L.212-16 du Code du travail prévoit que la journée de solidarité peut être fixée un jour férié précédemment chômé. Et l’instauration de cette journée constitue «seulement» une augmentation de la durée du travail, et la non-exécution d’une journée de travail, quelle qu’elle soit, emporte retenue sur salaire. Là encore, la Haute juridiction judiciaire valide les retenues salariales opérées. Travailler plus sans gagner plus: le MEDEF en avait rêvé, le gouvernement l’a fait!
À retenir
La loi du 30 juin 2004 a réformé les durées de travail prévues par la loi. La durée annuelle légale de travail est ainsi passée de 1 600 heures à 1 607 heures, et le nombre annuel légal de jours de travail de 217 à 218 jours pour les conventions de forfait annuel en jours. Cette seule hausse de la durée de travail ne constituait pas une modification du contrat de travail, et ne pouvait donc être refusée par le salarié. La journée de solidarité n’est pas un jour de travail forcé, mais un allongement de la durée de travail. Du fait de la mensualisation des rémunérations, il ne s’agit pas d’une journée gratuite. Cette journée était auparavant payée (mais chômée), et elle le reste (mais devient travaillée).
En conséquence, le fait de faire grève à l’occasion de la journée de solidarité produit les mêmes effets qu’une grève qui aurait lieu un autre jour de travail. L’employeur est en droit d’opérer une retenue sur salaire, à condition que, s’agissant du secteur privé, cette retenue soit strictement proportionnelle au temps de grève. La même solution s’impose concernant une absence injustifiée.
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