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Les syndicats des enseignants du secondaire se sont tous félicités de la décision du tribunal des référés de Paris, prise lundi, d’ordonner le
retrait de toutes données nominatives sur le site web de notation des profs, note2be.com. Depuis sa création le 29 janvier, ce site invitait les élèves à désigner leurs professeurs avant de leur
donner une note de 0 à 20 basée sur des critères on ne peut plus subjectifs («intéressant» «clair», «disponible», «équitable», «respecté» et «motivé»). Ils pouvaient également participer à des
forums de discussion pour échanger leur point de vue sur la pratique professionnelle de tel ou tel enseignant. «Prends le pouvoir, note tes profs!», proclamait sans scrupule la page d’accueil de
note2be.com. Le principal animateur du site – un certain Stéphane Cola qui se présente également aux municipales à Paris dans le VIIIe arrondissement sur la liste du député la majorité UMP Pierre
Lellouche – était tout simplement fier d’avoir accroché 65.000 professeurs «notés» sur son tableau de chasse.
Et peu importe si son initiative avaient indigné, choqué et blessé toute une profession. Des syndicats enseignants, mais aussi des organisations de parents d’élèves et des syndicats lycéens, tous
y ont vu un «exercice réducteur et dangereux», une «dénonciation gratuite», une «antithèse de l'éducation», un procédé «démagogique et immoral», une «escroquerie choquante», ou encore un
«lynchage public des personnels» sans autre forme de procès. Le syndicat national FO des lycées et collèges (SNFOLC) s’était pour sa part indigné qu’on puisse aussi
facilement «diffamer» et «mettre en cause» la réputation professionnelle des professeurs. Il avait demandé en vain au ministre de l’Education national Xavier Darcos d’«apporter la protection
juridique de l’Etat aux personnels» visés alors que celui-ci venait de condamner publiquement l’existence d’un tel site. Appuyés par des syndicats, certains enseignants pointés du doigt
ont en effet dû saisir individuellement la justice. Et il en a été de même pour la saisine de la CNIL sur la protection des données personnelles.
La passivité de M. Darcos s’explique sans doute par le fait que l’initiative décriée s’inspire directement par le fameux rapport Attali, lu et approuvé par le gouvernement. «L’évaluation des
professeurs doit aussi reposer sur une évaluation de leur pédagogie par leurs élèves, sur leur capacité à faire progresser chacun et sur la prise en compte des résultats scolaires ultérieurs»,
préconise ce rapport. La proposition a été reprise et précisée depuis par un autre rapport (Pochard) remis à M. Darrcos: «remplacer la note chiffrée par un entretien professionnel entre
l’inspecteur et le chef d’établissement, sur la base d’un rapport d’activité du professeur (…). Une prise en compte de ses résultats par les élèves eux-mêmes et par les usagers pourrait être
imaginée dans ce cadre». Condamnant cette perspective, FO a réaffirmé hier son attachement la double notation (pédagogique et administrative), qui «contrairement à l’évaluation, est susceptible
de recours statutaires (contestation possible devant la commission paritaire). C’est pourquoi, malgré la décision du TGI, il n’est pas «complètement rassuré».
M. Darcos a indiqué qu’il prendra «les mesures qui s'imposent» lorsque l’avis de la CNIL «sera connu». Cet avis devrait être rendu jeudi. En attendant, le site de notation est inactif mais M.
Cola ne désespère pas de pouvoir un jour jeter de nouveau en pâture sur la toile les noms et les «notes» des profs.
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