La Cour de justice des Communautés européennes précise dans un arrêt du 1er avril son interprétation de la directive 2000-78 du 27 novembre 2000
sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Selon la CJCE, le refus d’attribuer une pension de veuvage à un « partenaire de vie » – le partenariat de vie allemand étant
réservé aux partenaires de même sexe – peut constituer une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle. C’est le cas si un partenaire de vie survivant se trouve dans une situation
comparable à celle d’un époux bénéficiaire de la prestation de veuvage prévue par un régime de prévoyance.
Pension de veuvage sollicitée par un partenaire de même sexe
En l’espèce, en 2001 en Allemagne, Tadao Maruko établit un partenariat de vie avec un autre homme, affilié à la caisse de retraite des théâtres allemands depuis 1959. Suite au décès de ce dernier, Tadao Maruko sollicite le bénéfice d’une pension de veuvage auprès de la caisse de retraite. Sa demande est rejetée au motif que les statuts de la caisse ne prévoient pas un tel bénéfice pour les partenaires de vie survivants. L’intéressé introduit alors un recours devant la juridiction nationale. Celle-ci décide alors de surseoir à statuer, et demande à la CJCE si une prestation de veuvage octroyée dans le cadre d’un régime de prévoyance professionnelle relève du champ d’application de la directive 2000-78 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, et si ce refus constitue une discrimination liée à l’orientation sexuelle prohibée par ce texte.
Application de la directive 2000-78
La directive 2000-78 exclut de son champ d’application les régimes de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une
rémunération au sens de l’article 141 du traité CE, ainsi que les versements de l’État ayant pour objectif l’accès ou le maintien dans l’emploi. La Cour devait donc déterminer si la pension de
veuvage en cause pouvait être qualifiée de rémunération, définie comme « le salaire ou traitement de base ou minimal, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou
en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier ». Comme la Cour l’a déjà jugé (v. CJCE, 6 octobre 1993, aff. C-109/91 ; CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-7/93), le
fait que certaines prestations soient versées après la cessation de la relation d’emploi n’exclut pas qu’elles puissent avoir un caractère de rémunération. De même, la CJCE a reconnu qu’une
pension de veuvage prévue par un régime de pension conventionnel peut être qualifiée de rémunération, même si elle n’est pas payée au travailleur, mais à son survivant. En effet, elle constitue
un avantage issu de l’affiliation au régime du conjoint du survivant, de sorte que la pension est attribuée dans le cadre du lien d’emploi entre l’employeur et le conjoint et est versée en
raison de l’emploi de celui-ci (v. aff. précitées et CJCE, 17 avril 1997, aff. C-147/95).
En l’espèce, la Cour relève que le régime de prévoyance géré par la caisse de retraite des théâtres allemands trouve sa source dans une convention collective, ayant pour but de former un
supplément aux prestations sociales dues en vertu de la réglementation nationale d’application générale. Ce régime est financé exclusivement par les travailleurs et leurs employeurs. En outre,
la pension de retraite, sur la base de laquelle est calculée la pension de veuvage, n’intéresse qu’une catégorie particulière de travailleurs, et son montant est déterminé en fonction de la
durée d’affiliation du travailleur et du montant des cotisations versées. La pension de veuvage découle donc de la relation de travail du partenaire décédé et doit, en conséquence, être
qualifiée de rémunération.
Discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle
La CJCE souligne que l’Allemagne a institué le partenariat de vie, dont les conditions ont été progressivement assimilées à celles applicables au
mariage. Les dispositions des statuts de la caisse de retraite limitant le bénéfice de la pension de veuvage aux seuls époux survivants, les partenaires de vie sont traités de manière moins
favorable que les époux survivants.
Selon la Cour, le juge national doit donc vérifier si en l’espèce un partenaire de vie survivant est dans une situation comparable à celle d’un époux bénéficiaire de la pension de veuvage en
cause. Si tel est le cas, « la réglementation [allemande] doit être considérée comme constitutive d’une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle au sens des articles 1 et 2 de
la directive 2000/78 ». La question de l’application de cette jurisprudence au pacs français peut se poser.
CJCE, 1er avril 2008, aff. C-267/06
Liaisons Sociales Quotidien, 04/04/2008
Site(s) de référence : http://curia.europa.eu/jurisp/cgi-bin/form.pl?lang=fr&newform=newform&Submit=Rechercher&alljur=alljur&jurcdj=jurcdj&jurtpi=jurtpi&jurtfp=jurtfp&alldocrec=alldocrec&docj=docj&docor=docor&docop=docop&docav=docav&docsom=docsom&docinf=docinf&alldocnorec=alldo
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