23 suicides, un «petit choc» pour le Pdg de France Télécom - 200909

2009-09-16 12:58:00 | Bénédicte Charles-Marianne Invité de Jean-Michel Aphatie sur RTL, Didier Lombard a évoqué avec froideur la vague de suicides que connaît France Télécom. Aphatie, j'adore! Mais l'empathie, connais pas ! Pour comprendre ce qui se passe chez France Télécom, il faut écouter son Pdg. Invité ce matin de Jean-Michel Aphatie sur RTL, Didier Lombard, 67 ans, a en effet montré qu’il est un pur produit de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications. C’est à dire un bon exemple de ce que ces deux grandes écoles peuvent produire de pire. Un haut fonctionnaire devenu Pdg qui de l’expression « ressources humaines » ne retient que le mot « ressources ». Didier Lombard ne parvient même pas à faire croire à l’émotion qu’il assure ressentir face à la tragédie que vit son entreprise. Le suicide de deux salariés sur leur lieu de travail la semaine dernière est pour lui un « événement » qu’il qualifie de « spectaculaire ». Certes, Lombard partait de loin : hier, il avait parlé de « mode ». Il s’en excuse, d’ailleurs, en des termes qui laissent pantois : « Hier, par erreur, j'ai utilisé le mot « mode » qui était la traduction du mot « mood » en anglais. Je m'excuse d'avoir fait ça ! ». Il fallait oser.... Aphatie vole à son secours : « On vous sent troublé, déstabilisé », un peu comme s’il disait à l’auditeur « Ne vous y fiez pas : sous des dehors bourrus, Lombard cache un cœur gros comme ça ». Las. L’intéressé ne saisit pas la perche : « Non, non, pas déstabilisé. Je suis aux commandes dans cette phase difficile. Je suis responsable de la maison et nous allons passer cette phase ensemble, avec tous les salariés. » Et de concéder tout de même qu’il va « regarder si dans nos process s'il y a des choses à améliorer ». 23 suicides en dix-neuf mois, une seule réaction : y a pt’êt ‘ quequ’chose à revoir dans le « process ». Encore un mot anglais... Aphatie ne relève pas et tend même une seconde perche au Pdg de France Télécom : « Votre souci, aujourd'hui, Didier Lombard, c'est d'éviter que dans les jours qui viennent, d'autres salariés de France Télécom ne commettent ces gestes irréparables ? ». Ouf ! — il répond : « Absolument ». Bonne réponse Monsieur Lombard! Et il annonce fièrement qu’il a déjà pris les mesures qui s’imposent : « On a retiré les causes, c'est-à-dire qu'on a supprimé toutes les mobilités jusqu'au 31 octobre ». 31 octobre 2009, s’entend. En d’autres termes, les « mobilités » (suppressions de postes, mutations géographiques) recommenceront dans six semaines. Il reste à espérer que les suicides ne reprendront pas à Noël. Le reste de l’interview est à l’avenant. Aphatie évoque des cas de salariés dont on supprime le poste et qui se retrouvent seuls dans un bureau, sans d’autre à faire que déprimer toute la journée — autant d’éléments qui montrent les graves lacunes des cadres dirigeants de France Télécom en matière de gestion des ressources humaines. Lombard concède une « petite faiblesse qu'on peut avoir à droite ou à gauche ». Et en conclusion, cet aveu terrible : « La maison a pris un choc », explique Lombard. « Et vous ? », demande Aphatie. Réponse : « J’ai aussi pris un petit choc ». 23 suicides : un caillou dans la chaussure de Didier Lombard.