OU COMMENT PASSER LE SERVICE PUBLIC AU KARCHER - 141207
14 déc. 2007
Réforme de l’Etat
Mercredi, au cours d'un Conseil dit de modernisation des politiques publiques, Nicolas Sarkozy a dévoilé près d’une une centaine de mesures pour «hâter la réforme de l’État»,
dont le seul objectif est de rentrer dans les clous de la Commission de Bruxelles qui presse la France de réduire sa dette et ses déficits. Consistant pour la plupart à tailler dans le vif des
dépenses publiques, ces mesures pourraient affecter sérieusement l'organisation de l'Etat et l’ensemble de ses missions de service public.
«Les administrations publiques dépensent chaque année plus de 1.000 milliards d'euros. (…). Celui qui me dirait que sur ces 1.000 milliards d'euros, on ne peut pas faire d'économies sans porter
atteinte au service public, nierait toute idée de progrès», a affirmé le chef de l'Etat, avant d’expliquer, que la réduction des dépenses publiques était nécessaire pour «chercher le point de
croissance qui nous manque» ou «maintenir nos systèmes de solidarité». Le président vise 150 milliards d’euros d’économie d’ici 2013, mais, a-t-il promis, il n’y aura «ni rationnement comptable
ni austérité budgétaire». On voit mal comment, notamment lorsque l’on entre dans le détail de cette opération «inédite d’allègement» de l'Etat. Laquelle s’appuiera uniquement sur la volonté de ne
pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite à partir de 2009.
Des économies sont d’abord envisagées au niveau des structures. La fusion annoncée début octobre de la direction générale des impôts et de la comptabilité publique pour créer une seule
administration chargée du calcul et du recouvrement de l'impôt n’a, de fait, qu’anticipé un mouvement plus large. À terme, le nombre d'administrations centrales sera divisé par deux. Au plan
local, celui des directions et des délégations régionales de l'Etat passera d’une trentaine à moins d’une dizaine. Les directions départementales de l'équipement (DDE) et les directions
départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) ne formeront à l’avenir plus qu’une seule entité après leur fusion.
La région deviendra alors le «niveau de pilotage des politiques de l'Etat» dans les territoires avec quelques grandes directions régionales contrôlées par des «super préfets» qui auront désormais
autorité sur les préfets de département. Le rôle d’un préfet de région se limite aujourd’hui à traiter des questions d'industrie, de recherche, d'environnement, d'équipement ou d'action
culturelle. Avec la future organisation, ils récupéreront de fait une grande partie des attributions des préfets de départements qui gèrent les services préfectoraux et celles des ministères qui
dirigent les services déconcentrés (Affaires sociales pour les DDASS, l'Agriculture pour les DDAF, la Jeunesse et les Sports pour les DDJS etc.). L’échelon départemental, lui, sera réorganisé
autour de cinq ou six missions.
Les collectivités locales seront donc appelées à prendre le relais de l'Etat mais à effectifs et ressources constants. Certaines missions devraient inévitablement disparaître. C’est pourquoi les
mesures d’allégement des structures de l’Etat seront accompagnées de mesures de «simplification des procédures» administratives. Le contrôle sur la passation des marchés publics sera ainsi
atténué, via en particulier la suppression de «consultations et d’obligations formelles». Les contrôles de légalité, financier ou autre, seront recentrés sur les actes réputés à risques et les
consultations préalables à l'édition d'un texte seront limitées lorsqu’elles seront jugées de pure forme. Pour les entreprises, les obligations administratives seront réduites de 25%, La lutte
contre la fraude se concentrera avant tout sur le commun des mortels, notamment avec l'automatisation des contrôles des caisses d'allocations familiales qui seront renforcés grâce aux
«développement des échanges de données informatiques».
Cette «révolution copernicienne», dixit M. Sarkozy, ne serait pas complète, aux yeux de son promoteur, sans une «réforme de la gestion des ressources humaines». Il est prévu de développer le
suivi individualisé des agents ainsi qu’une culture du résultat au sein de l'administration, prélude à une rémunération individualisée et basée sur le mérite. Il est également prévu de rendre
possible les mises à disposition de salariés du privé dans l'administration. Quant aux fonctionnaires désirant partir vers le privé, ils se verront proposer une prime de départ.
Pour FO-Fonctionnaires, «c'est une vision libérale ou plutôt américaine de la future Fonction publique souhaitée par le président de la République: "fonctionnaire kleenex, ou spoil-system"» qui
«laisse un goût très amer sur l'avenir sur la conception des services publics et des valeurs républicaines, notamment l'égalité de droit des citoyens». Et de prévenir : «la riposte contre une
telle vision est indispensable».