/// ÉDITORIAL DE JEAN-CLAUDE MAILLY DATÉ DU MERCREDI 26 MARS 2008
> REPRÉSENTATIVITÉ: LES ENJEUX
Jeudi 27 mars 2008, Jean-Claude Mailly sera l’invité de «La Matinale», à 7h40 sur Canal+.
La négociation sur la représentativité est le lieu de multiples tensions et confrontations: entre syndicats et patronat, entre syndicats et entre organisations patronales.
Du côté patronal, on refuse d’examiner en même temps la représentativité patronale, on exige de la légitimité pour les syndicats, mais on considère en quelque sorte que la
représentativité patronale serait d’essence divine, c’est-à-dire présumée incontestable.
Exiger de ceux qui dirigent et commandent qu’ils prouvent leur légitimité deviendrait en quelque sorte crime de lèse-majesté!
Du côté syndical, les motivations sont très différentes. Les logiques d’appareil l’emportent souvent sur tout le reste.
Pour certains il s’agit d’éclaircir le champ syndical. Ils rêvent d’un champ syndical bipolaire (un qui signe, un qui conteste). L’idée n’est pas nouvelle. Elle fut émise, par
exemple, par Balladur, Seillière et Fillon.
Pour d’autres, la question de leur survie est posée et ils la posent d’ailleurs. Pour d’autres encore, il s’agit d’être reconnus représentatifs.
Pour FO, si nous formulons nous aussi des propositions pour mesurer la représentativité, il n’est pas question de monter un système qui conduirait à supprimer tel ou tel (ce que j’ai
toujours appelé le bal des hypocrites) et, surtout, on ne peut pas déconnecter la question de la structure de la négociation collective, c’est-à-dire, j’y reviendrai, de la forme de
notre société.
Qui plus est, on ne voit pas en quoi (c’est même dangereux!) le patronat, par des critères dits négociés, pourrait choisir ses interlocuteurs.
Certains considèrent aussi qu’une loi modifiant la négociation collective est un passage obligé pour faire évoluer le syndicalisme. C’est-à-dire que le syndicalisme ou un syndicat ne
serait pas capable d’évoluer tout seul et qu’il faut une loi pour l’y aider ou l’y contraindre!
Cela en dit long sur la liberté syndicale et le débat démocratique. En la matière, on est plus dans la logique de la loi qui opprime qu’autre chose.
Par ailleurs, et c’est une question fondamentale, quelle forme de société voulons-nous?
Si on écoute le patronat, voire la CFDT, le nec plus ultra de la négociation c’est le niveau de l’entreprise. C’est là que la plupart des choses doivent se décider. Exit donc
progressivement la négociation de branche. Que les salariés des PME-TPE ne soient plus couverts n’est pas un problème, il suffit de faire du mandatement!
Quant à la négociation interprofessionnelle, comme le veut le MEDEF, il faut qu’elle s’impose au Parlement. Il faut lui donner une valeur légale dans la Constitution de la
République.
C’est une chose de signer un accord et de demander aux pouvoirs publics de le respecter. C’en est une autre de signer un accord et de dire aux pouvoirs publics: circulez, il n’y a
rien à voir, c’est nous qui sommes législateurs.
Celles et ceux qui rêvent d’un tel système n’ont qu’à faire de la politique. Ministre, député ou représentant syndical, il faut choisir! Cela s’appelle tout simplement
l’indépendance.
Enfin, faire de l’entreprise le lieu privilégié de la négociation c’est quitter le modèle républicain pour le modèle anglo-saxon.
Seul l’accord interprofessionnel et l’accord de branche peuvent assurer un minimum d’égalité de droit et de solidarité sur l’ensemble du territoire. Privilégier l’accord d’entreprise
c’est abandonner les salariés des PME et TPE.
C’est aussi, comme en Suède, ce que combattent nos camarades suédois, autoriser des entreprises estoniennes à venir dans le pays aux conditions estoniennes.
Aux États-Unis, même le niveau de protection sociale collective varie selon les entreprises et la présence, autorisée ou non, du syndicat et ne vaut que pour l’entreprise. Se diriger
vers un système à l’américaine, que nos camarades américains eux-mêmes veulent changer, serait dangereux.
Que le patronat continue à glisser vers l’ultralibéralisme au nom du business benchmarker* est son problème.
Nous n’accepterons jamais, à Force Ouvrière, d’abandonner la solidarité et les valeurs républicaines, qui sont plus modernes et nécessaires que jamais.
* Business benchmarking: nouvelle dénomination, à la mode, des méthodes de comparaisons concurrentielles entre les entreprises.