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Une interview de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, parue le 18 mars dans Le Parisien.

N’avez-vous pas mis la barre un peu haut en tablant sur 2,5 millions de manifestants lors de cette nouvelle journée d’action prévue demain?
Il y aura une mobilisation au moins aussi importante que celle du 29 janvier dernier. Voilà ce qui nous remonte du terrain. La détermination des salariés est encore plus forte aujourd’hui parce que la situation sociale se dégrade de jour en jour. Les annonces de plans sociaux, notamment dans les grandes entreprises, se multiplient et font du bruit. Qui n’est pas touché, de près ou de loin, par la crise? Le gouvernement n’a apporté aucune réponse forte. Ce qui a été annoncé le 18 février fait plus office de mesurettes qu’autre chose.

Vendredi, le Premier ministre a fermé la porte à vos revendications en invoquant l’envolée des déficits… Comment analysez-vous cette fermeté?
Ne pas répondre aux salariés serait irresponsable. Cela fait-il parti du cinéma habituel avant une manifestation? Nous en jugerons après notre journée d’action. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la première fois que François Fillon veut donner l’image de quelqu’un de très attentif aux comptes publics. Souvenez-vous, il n’y a pas si longtemps le Premier ministre affirmait que la France était en faillite. Depuis, le déficit budgétaire a nettement augmenté du fait de la crise et notamment du plan de soutien aux banques. Que le déficit augmente cela ne l’empêche pas de dormir.

Que réclamez-vous en priorité?
Pas besoin de refaire un sommet social médiatique à l’Élysée. Nos revendications, Nicolas Sarkozy les connaît. Il peut nous répondre. À condition qu’il en ait la volonté, lui et le patronat. Sur la question des salaires par exemple, le gouvernement reste droit dans ses bottes sur le SMIC, ce qui encourage le patronat à ne pas bouger.

La CGT demande 300  euros d’augmentation pour les bas salaires, et vous?
Le plus élevé possible. Une hausse significative du SMIC a un effet direct sur la relance de la consommation. Et puis, cela permet d’enclencher une mécanique de négociation dans les entreprises. Depuis des semaines, les salariés voient des milliards passer sous leur nez, un coup pour aider une banque, un autre pour les constructeurs automobile. Et que leur dit-on? Ah non! on ne peut pas augmenter les salaires. Si Total ou Sony suppriment des emplois, ce n’est pas à cause du SMIC! Il y a des gens, y compris des militants FO, qui se disent aujourd’hui: «Pourquoi ne pas réclamer 200 euros pour les bas salaires comme en Guadeloupe?»

Pourquoi ne pas relayer cette revendication?
La situation en Guadeloupe n’a rien de comparable. Une chose est sûre, l’absence de réponse du gouvernement contribue à rendre les salariés de plus en plus exigeants. Le 29 janvier a été un succès. Que faut-il pour que le gouvernement bouge? C’est une situation de fous. Ce sont notamment ceux qui mettent le pays en difficulté qui sont le plus soutenus. Il y a un vrai sentiment d’injustice qui monte.

«Scandaleux» pour Laurent Wauquiez, «normal» pour François Fillon. Comment analysez-vous ce couac gouvernemental sur les suppressions de postes chez Total?
La réaction à chaud du secrétaire d’État à l’Emploi est, à mes yeux, juste et saine. Ensuite, il y a eu une reprise en main de la communication gouvernementale par le Premier ministre. Ce qui est scandaleux c’est bien l’annonce des 555 suppressions de postes par une entreprise qui fait 14 milliards d’euros de bénéfices. Sans compter que le groupe supprime aussi des postes dans une de ses filiales, Hutchinson. Total profite de la crise. Les évolutions du raffinage, ce n’est pas nouveau. Et quand les salariés réagissent, que ce soit ceux de Total, mais aussi de Continental, Sony ou d’autres entreprises qui ont des comportements brutaux, je considère qu’ils sont en état de légitime défense. Travailler plus pour être viré, on est loin du slogan du président de la République. Des mouvements de ras-le-bol comme ceux-là, il risque d’y en avoir d’autres.

Quelles mesures faudrait-il prendre?
Cela rejoint pour moi le débat sur la répartition de la valeur ajoutée, c’est-à-dire des richesses produites. Ce n’est pas la peine de mettre en place une commission, qui va travailler pendant deux mois, puis essayer de discuter avec un patronat qui restera de toute façon sourd à cette demande. Les pouvoirs publics peuvent très bien légiférer pour plafonner les dividendes, compte tenu de la crise.

Concrètement?
Il faut surtaxer les dividendes au-delà d’un certain niveau. Depuis plusieurs mois, les entreprises, comme les banques, n’ont pas été mises à contribution. Il y a des marges d’intervention possibles. Il faut aujourd’hui de vraies mesures de justice sociale. À droite, certains élus l’ont d’ailleurs bien compris, qui réclament, comme les syndicats, la suppression du bouclier social.

Les syndicats doivent se retrouver le 20 mars au matin. Qu’envisagez-vous en cas de surdité gouvernementale?
Le mouvement social a commencé le 29 janvier. Jeudi est une deuxième étape importante. Les huit organisations syndicales sont déterminées. Du côté de FO, nous ne sommes pas dans une logique de saute-mouton: une date, puis une date, puis une autre date. S’il le faut, nous trouverons des initiatives pour nous faire entendre, mais nous en discuterons le moment venu. Quoi qu’il en soit, la crise va durer. Quand j’entends des responsables dire que cela ira mieux en 2010, personne ne peut le savoir.

François Fillon appelle les syndicats à garder leur sang-froid…
Nous ne sommes pas excités, mais déterminés. J’ai le sentiment que le gouvernement est dans l’attente. Je suis persuadé qu’il devra prendre d’autres initiatives, y compris pour soutenir la consommation. Je lui pose la question: pourquoi attendez-vous? Nicolas Sarkozy et François Fillon doivent avoir conscience qu’il y a des mouvements de radicalité qui se développent. Le rôle des syndicats n’est pas uniquement de canaliser la grogne. Nous ne sommes pas les adjoints du gouvernement. Notre rôle c’est aussi d’exprimer ce qu’attendent les salariés, ce que nous faisons depuis plusieurs semaines. Si l’on n’est pas entendus, le risque alors c’est que les salariés se fassent entendre autrement.

Après le succès du 19 mars, le 20 mars s’est tenue l’intersyndicale avec la détermination de maintenir la mobilisation. Différentes pistes ont été évoquées. Elles seront, pour Force Ouvrière, discutées au Comité confédéral national de cette semaine. Une nouvelle réunion intersyndicale est programmée le 30 mars.

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