Blog des hospitaliers FO Santé

Arnaud travaille au Centre Hospitalier de Chartres depuis bientôt 20 ans. Il est cuisinier dans le service restauration. Il a pu mesurer les évolutions. Aujourd’hui c’est plus de la cuisine. C’est vitesse et rentabilité.»
A la préparation chaude, nous sommes 2 aux légumes et 2 aux viandes. On doit «cuisiner» 4.000 repas par jour et sur 5 jours. Il y a 10 ans nous étions le double!

On doit faire de la qualité, mais ce n’est pas possible. Nous devons travailler avec des matières premières économiques et donc de moindre qualité. Les prix flambent mais le budget dédié à l’alimentation est le même depuis 4 ans!

A titre d’exemple, quand on prépare un bourguignon on nous demande de ne plus faire revenir la viande avant. On doit la jeter crue dans un fond de sauce tout prêt. Au total on gagne 2 heures de travail, mais c’est pas bon.

Aux préparations froides on est 4 pour «réaliser» 1.700 entrées et plus 3.800 desserts tous les jours. Nous étions 6 il y a 10 ans. Plus question de réaliser des petits desserts maison. On y passe trop de temps et cela coûte donc cher. Arnaud raconte combien étaient bons les petits riz au lait aux abricots, les poires belle-hélène. Les malades étaient contents. Un souvenir!

Même avec des produits tout prêts on nous demande d’aller toujours plus vite. On a même vu notre responsable avec une ribambelle de chronomètre mesurer le temps qu’ont mettait pour réaliser chaque plat!

Quand on est de chaîne, on sait que l’on va en baver

Des collègues font cela toute l’année. Le matin, dès leur arrivée, ils ont moins d’une heure pour laver plus de 650 bols, plateaux et couverts du petit déjeuner. Pendant ce temps d’autres collègues préparent la chaîne de conditionnement pour réaliser les plateaux des patients/clients.

Après avoir lavé les bols dans une pièce à 30-35°C (beaucoup plus durant l’été) ont se changent pour être «propre». On se rend dans la salle de conditionnement plateau; il y fait entre 6 et 8°. C’est «la chaîne»; un poste pour tout! Un poste pour les viandes, un pour les légumes, un pour les entrées/desserts... Tout pour offrir un plateau correct et conforme à la commande ou aux régimes. On est 7 sur cette chaîne.

On a moins de 2 heures pour faire environ 600 plateaux, soit 5 plateaux à la minute.

Ensuite c’est le nettoyage complet de la pièce et du matériel. Une fois fini, deux d’entre nous allons faire la plonge au self. Il y fait là une chaleur considérable. Au total 550 plateaux à desservir et à laver. Si toutefois on a fini dans les 2 heures, on a le droit à notre pause de 20 minutes. Sinon, la moitié de l’équipe prend sa pause pendant que l’autre continue et vice versa. Pour finir à l’heure il faut que les services de soins nous renvoient les chariots à l’heure dite, sinon c’est la catastrophe pour nous.

Un stress permanent. Le chrono est toujours là! Les responsables le rappellent tout le temps. Des conditions de travail sont éprouvantables ; Une heure dans le chaud; deux heures dans le froid; trois heures dans le chaud; deux heures dans le froid et le reste du temps dans le chaud. Une chaleur et une humidité qui jouent sur notre état de santé. Sans compter des troubles intestinaux perpétuels.

A la réception des matières premières, il n’y a qu’un seul agent. Des tonnes par jour à manipuler. De plus les portes du congélateur sont trop petites et il est impossible d’y rentrer une palette. Il doit donc manipuler carton par carton pour stocker dans le congélateur à -26°C. C’est pareil pour les sortir, lorsqu’en cuisine on a besoin de matière première! Impossible d’avoir une nouvelle porte ou un nouveau congélateur. Cela coûterait trop cher. Une nouvelle cuisine doit voir le jour, mais c’est une annonce faite il y a plus de 10 ans maintenant.

Nous sommes de moins en moins nombreux avec du personnel de moins en moins qualifié. L’hôpital veut recruter des agents avec un BAC Pro de cuisinier pour un salaire au SMIC.

En 2011, les CDD avaient encore à prendre la totalité de leurs congés, RTT et autres repos. 88 jours au total!

Il y a une rotation de personnel très importante car personne ne veut rester au vue des conditions de travail. Tous les «anciens» sont partis pour aller faire de la vraie cuisine ailleurs.

Entretien réalisé par DG
 
 
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