Chômage, l'état d'urgence

Près de 20.000 chômeurs de plus en septembre. Le gouvernement explore de nouvelles pistes sans oser un "Jobs Act" à la Renzi.

 
Rebsamen triste
 

Les ministres Emmanuel Macron, François Rebsamen et Michel Sapin aux premières loges de la bataille pour l'emploi. (WITT/SIPA)

L'aveu d'impuissance d'un ­ministre du Travail et les chiffres à nouveau désolants du chômage. "Nous sommes en échec", reconnaissait samedi dans Le Parisien François Rebsamen. En septembre, le nombre de demandeurs d'emploi a progressé de 19.200, selon les dernières statistiques du ministère publiées vendredi. La France compte 3,4 millions de personnes à l'arrêt. Et 5,2 millions d'inactifs, si l'on tient compte des chômeurs en activité réduite. La hausse semble inexorable. Depuis l'élection de François Hollande, un demi-­million de personnes est venu grossir les rangs des sans-travail.

Contrat unique et autres saillies libérales

Le seuil psychologique semble atteint. A-t-on tout essayé? De contrats aidés - 360.000 en deux ans et demi - en emplois d'avenir pour les moins de 25 ans - 150.000 -, le gouvernement ne parvient pas à contenir le chômage. Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), censé doper la compétitivité des entreprises et les encourager à embaucher en baissant leurs charges, n'a pas encore tenu ses promesses. "Je leur demande soit de l'emploi, soit de la formation, soit de l'alternance, soit de l'investissement", argumentait François Rebsamen dans son interview.

 

Faudra-t-il attendre juin 2015, et 180.000 chômeurs de plus, au rythme actuel de progression, pour que les mesures du gouvernement portent enfin leurs fruits? Divisés sur la question, les socialistes qui gouvernent font face aux frondeurs de l'aile gauche du parti. Le Premier ministre, Manuels Valls, s'est même mis à dos cette semaine les syndicats et le patronat en rouvrant le débat sur le contrat unique, un projet défendu et abandonné par Nicolas Sarkozy durant son mandat présidentiel. L'objectif : mettre fin à la division du travail entre les salariés en CDI protégés et les précaires qui travaillent en CDD et en intérim. Une idée avancée, qui plus est, par le Prix Nobel d'économie 2014, Jean Tirole, et Olivier Blanchard, économiste en chef du Fonds monétaire international. Le nouveau cap social du gouvernement s'est aussi manifesté à travers quelques saillies libérales sur l'indemnisation des chômeurs et la suppression des seuils sociaux ou encore la réforme des prud'hommes.

Depuis plusieurs semaines, Matignon passe aussi au crible le "Jobs Act" de Matteo Renzi, qui avance des pistes radicales pour relancer le marché du travail en Italie. Un point que confirme Tito Boeri, professeur d'économie à l'université Bocconi, à Milan : "Je ne cesse de recevoir des manifestations d'intérêt de la France sur le "Jobs Act". Il faudrait certainement y faire une chose comparable." La France n'est pas l'Italie. Elle a beaucoup plus d'amortisseurs sociaux et précarise moins ses jeunes. Et elle n'a pas un article 18 qui déclenche outre-Alpes des contentieux sans fin en cas de licenciement et dont la suppression a fait descendre dans la rue des milliers d'Italiens hier à Rome.

Pour Éric Woerth, ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy, il faut "des mesures d'exception". Concrètement? Un contrat de mission, moins de seuils sociaux, un assouplissement des 35 heures ou encore des règles plus flexibles sur le travail du dimanche. Des "mauvaises réponses", selon Jean-Claude Mailly. Pour le secrétaire général de Force ouvrière, les marges de croissance et donc l'emploi viendront d'un "soutien par la consommation et par l'investissement public". Et des mesures du ministre du Travail. Pas d'Emmanuel Macron, ce ministre de l'Économie "qui s'occupe de tout" et a "trop de pouvoir", ajoute-t-il.

Un Code du travail de 3.500 pages

"On a un Code du travail de 3.500 pages, un droit social d'une complexité inouïe, qui bloque les envies d'embauche des patrons", estime pour sa part Gilbert Cette, professeur d'économie à l'université d'Aix-Marseille et coauteur de Changer de modèle*. Pour lui, pas de doute, la France a besoin d'un "big bang social". Autrement dit, d'une approche systémique qui force les partenaires sociaux à trouver des compromis satisfaisants pour les salariés et les employeurs et efficaces économiquement. Un cadre qui permette aussi d'affronter l'automatisation en marche des métiers de services, fortement destructrice d'emplois. "Nous sommes dans un déni de responsabilité des partenaires sociaux aujourd'hui. Il faut leur demander de revoir les seuils sociaux, de déroger aux règles sur le temps de travail, de baisser le smic et de reformer le fonctionnement des prud'hommes, qui font peur aux employeurs", énumère l'économiste. Chiche?

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