Le contrat de travail à durée déterminée (CDD), quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente de l’entreprise[1]. Il ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas de recours prévus par la
loi[2].
Le CDD se distingue du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) à plusieurs égards. Néanmoins, bien que les différences caractérisant ces deux contrats
soient diverses, le régime de la rupture de ces derniers est au cœur de cette distinction. En effet, alors qu’employeur et salarié peuvent tous deux rompre à tout moment le CDI qui les lie, la
rupture du CDD ne peut pas intervenir à tout moment.
Par principe, un CDD est rompu de plein droit seulement à l’échéance du terme. Néanmoins, ce principe souffre d’exceptions dans la mesure où la loi prévoit une
possible rupture anticipée du CDD dans des hypothèses limitativement énumérées.
[1] Art. L.1242-1 du code du travail.
[2] Art. L.1242-2 du code du travail.
Principe : la
rupture du CDD à l’échéance du terme
La liste des cas dans lesquels une rupture anticipée du CDD est autorisée s’est récemment allongée avec la consécration de la rupture du CDD pour inaptitude.
Cette évolution mérite qu’une mise au point soit réalisée sur les différents cas de rupture du CDD.
La particularité du CDD est que sa rupture intervient de plein droit à l’échéance du terme[1].
Il convient de préciser que lorsque le CDD est un contrat à terme précis, c'est-à-dire qu’il est conclu de date à date, alors il prend fin à la date du terme
initialement convenu ou le cas échéant en cas de renouvellement, à la date du terme reporté.
A l’inverse, lorsque le contrat est conclu sans terme précis, c’est en principe la réalisation de son objet qui fixe la date de rupture, sous réserve que la durée
minimale du contrat soit expirée.
Par exemple, si un CDD a été conclu sans terme précis pour remplacement d’un salarié absent, le lien contractuel cesse de plein droit à la date de reprise du
travail par ce salarié. Autrement dit, le contrat a pour terme la fin de l’absence du salarié remplacé[2].
Par ailleurs, sous réserve de dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables, la rupture à l’échéance du terme du CDD n’est soumise à aucun
formalisme particulier et ne s’accompagne d’aucun préavis ni délai de prévenance.
Le contrat cesse donc automatiquement à l’arrivée de son terme sans que les parties aient à prendre une quelconque initiative. Néanmoins, s’agissant du CDD d’un
salarié protégé, la cessation du lien contractuel, à l’arrivée du terme du contrat, est subordonnée à la vérification préalable, par l’inspecteur du travail, qu’aucune mesure discriminatoire
n’a été constatée[3].
En outre, il est également important de rappeler que la suspension du CDD ne peut jamais faire obstacle à l’échéance du terme[4]. Cette règle vaut quel que soit
le motif de suspension. A la rupture de son CDD et sous certaines conditions, le salarié bénéficie d’une indemnité de fin de contrat destinée à compenser un tant soit peu la précarité de la
situation dans laquelle il se retrouve à l’issue de la relation contractuelle.
[1] Art. L.1243-5 du code du travail.
[2] Cass. Soc. 24-3-04 ; RJS 2004, n°890 p.613.
[3] Art. L.2421-8 du code du travail.
[4] Art. L.1243-6 du code du travail.
Le code du travail[1] prévoit qu’à l’issue d’un CDD, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat.
En principe, le montant de cette indemnité est égal à 10% de la rémunération totale brute versée au salarié.
Par exception, cette indemnité peut être limitée à 6% sous certaines conditions. En effet, le code du travail prévoit qu’en vue d’améliorer la formation
professionnelle des salariés, une convention ou un accord collectif de branche étendu, d’entreprise ou d’établissement peut prévoir de limiter le montant de l’indemnité de fin de contrat dès
lors que des contreparties sont offertes à ces salariés, notamment sous la forme d’un accès privilégié à la formation professionnelle[2].
En outre, le code du travail[3] prévoit dans certains cas l’exclusion du bénéfice de l’indemnité de fin de contrat. Pour exemple, s’il s’agit de contrats conclus
pour des emplois à caractère saisonnier ou encore, pour des emplois pour lesquels il est d’usage de ne pas recourir au CDI, l’indemnité n’est pas due. Cette dernière n’est pas non plus due en
cas de rupture du CDD à l’initiative du salarié, ou due à sa faute grave ou à un cas de force majeure.
De même, lorsque le salarié refuse d’accepter la conclusion d’un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins
équivalente, il ne peut bénéficier de l’indemnité de précarité[4]. En revanche, l’indemnité est due si la proposition de CDI a été faite après l’expiration du CDD[5].
Enfin, il convient de savoir que l’indemnité de fin de contrat a le caractère de salaire ; elle est donc soumise aux charges sociales et à l’impôt sur le
revenu.
[1] Art. L.1243-8 du code du travail.
[2] Art. L.1243-9 du code du travail.
[3] L.1243-10 du code du travail.
[4] Cass. Soc. 11-7-07, n° 06-41.196.
[5] Cass. Soc. 3-12-97 ; RJS 01/98, n°9 p.14.
Exception : la
rupture anticipée du CDD
Comme nous venons de le voir précédemment, le CDD est, par principe, rompu de plein droit seulement à l’échéance du terme. Néanmoins, ce principe souffre
d’exceptions dans la mesure où la loi prévoit une possible rupture anticipée du CDD dans des hypothèses limitativement énumérées. Il semble alors opportun de rappeler ces différentes hypothèses
puis d’en évoquer les conséquences indemnitaires.
1. CAS AUTORISANT
LA RUPTURE ANTICIPEE
Le code du travail[1] énonce que « sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas
de faute grave ou de force majeure ». Il résulte de cette disposition d’ordre public que le salarié ne peut par avance accepter la rupture du contrat par l’employeur pour d’autres causes
que celles prévues par ce texte[2].
Ainsi, en vertu de la liberté contractuelle, employeur et salarié peuvent, à tout moment, mettre fin au CDD d’un commun accord. Cette rupture ne peut résulter que
d’une volonté claire et non équivoque[3] des parties. Toutefois, l’accord des parties ne peut en aucun cas intervenir par avance. Autrement dit, toute clause résolutoire permettant à
l’employeur de dénoncer le contrat est nulle[4].
En dehors d’un tel accord, le CDD peut être rompu de manière anticipée en cas de faute grave (ou lourde) du salarié ou de l’employeur. Rappelons que la faute
grave est celle qui, de par sa gravité, rend impossible le maintien du lien contractuel.
En outre, dans la mesure où rompre un CDD de manière anticipée pour faute grave s’analyse en une sanction[5], l’employeur a l’obligation de respecter la procédure
disciplinaire[6]. Cette procédure doit être mise en œuvre dans un « délai restreint » après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués[7]. A l’instar de la jurisprudence
applicable au licenciement pour faute grave des salariés en CDI, si l’employeur qui se prévaut d’une faute grave à l’encontre d’un salarié en CDD et n’engage pas la procédure disciplinaire dans
les plus brefs délais, alors la faute perd son caractère de gravité et ne peut plus légitimer la rupture anticipée. A noter que s’agissant des salariés protégés, la procédure d’autorisation
préalable auprès de l’inspecteur du travail doit être respectée.
Réciproquement, le salarié peut également invoquer la faute grave de l’employeur pour obtenir la rupture anticipée du CDD. Dans cette hypothèse, il existe pour le
salarié deux façons de sortir de la relation contractuelle. Le salarié peut cesser le travail et saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation du contrat de travail ou encore
prendre acte de la rupture de son contrat. Néanmoins, eu égard au régime d’exception du CDD et au fait que l’article L.1243-1 du code du travail se charge d’organiser les modes de rupture
anticipée du CDD, la prise d’acte initiée par un salarié sous CDD ne sera justifiée qu’en cas de faute grave de l’employeur[8]. Dans un tel cas, la rupture ne pourra être requalifiée en
licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, si le juge estime que les faits reprochés constituent une faute grave, la rupture est justifiée et lui ouvre droit à l’octroi de dommages
et intérêts. Si tel n’est pas le cas, cette rupture prématurée n’est pas fondée[9].
S’agissant de la rupture anticipée pour force majeure, il convient d’y entendre la faculté de rompre avant son terme un CDD en raison de circonstances
extérieures, imprévisibles et insurmontables. Néanmoins, il faut bien avoir en tête que le cas de force majeure n’est plus que très rarement invoqué. Son champ d’application est restreint. Pour
exemple, elle ne peut jamais être invoquée à l’occasion d’aléas de gestion ou de conjoncture.
Enfin, l’article L. 1243-2 du code du travail déroge à cette liste exhaustive puisqu’il prévoit la possibilité pour le salarié de rompre son CDD avant son terme
dès lors qu’il justifie d’une embauche en CDI. Il est bien entendu nécessaire de fournir à l’employeur tout justificatif de nature à établir la réalité de l’embauche.
Ces différents cas de rupture anticipée du CDD conduisent à des conséquences indemnitaires distinctes.
[1] Art. L.1243-1 du code du travail.
[2] Cass.Soc. 16-12-98: Bull. V, n° 552.
[3] Cass. Soc. 21-3-96, n° 93-40.192.
[4] Cass. Soc. 16-12-98, n° 95-43.341.
[5] Cass.Soc. 26-02-92: Bull. V, n° 127.
[6] Art. L.1332-1et s. du code du travail.
[7] Cass. Soc. 6-10-10, n° 09-41.294.
[8] Cass. Soc. 30-5-07, n° 06-41.240, SSL, n°1313.
[9] Cass. Soc. 23-1-08, n° 05-41.070.
L’indemnité de fin de contrat[1] doit être versée en cas de rupture anticipée du contrat d’un commun accord des parties, sauf si les parties conviennent du
contraire dans l'écrit formalisant la rupture.
Le code du travail énonce qu’en cas de rupture anticipée du contrat due à l’initiative du salarié, à sa faute grave ou à un cas de force majeure, l’indemnité
n’est pas due[2]. Cette dernière ne lui est pas due non plus lorsque le salarié justifie d’une embauche en CDI dans une autre entreprise pour rompre son contrat de manière
anticipée[3].
En revanche, l’indemnité de fin de contrat est due au salarié en cas de rupture anticipée à l’initiative de l’employeur, non motivée par la faute grave (ou
lourde) du salarié ou par un cas de force majeure.
Si la rupture anticipée à l’initiative de l’employeur est injustifiée, alors le salarié a droit à l’indemnité de fin de contrat, à des dommages et intérêts d’un
montant au moins égal aux rémunérations brutes qu’il aurait dû percevoir si le contrat avait été mené jusqu’à son terme[4] et à l’indemnité compensatrice de congés payés.
Si le salarié est à l’initiative d’une rupture anticipée injustifiée, l’employeur peut prétendre à des dommages et intérêts. Néanmoins, le montant de ces derniers
sera fixé par le juge en fonction du préjudice subi[5].
[1] Voir début de l’étude.
[2] Art. L.1243-10 du code du travail.
[3] Circ. DRT n° 2002-08, 2-5-02.
[4] Art. L.1243-4 du code du travail.
[5] Art. L.1243-3 du code du travail.
Nouveauté : la
rupture du CDD pour inaptitude
Depuis peu, il est possible de rompre un contrat à durée déterminée en raison de l’inaptitude physique du salarié, qu’elle soit d’origine professionnelle ou
non.
Anciennement, il convenait, pour connaître le régime applicable à la rupture du CDD en raison d’une inaptitude, de distinguer selon que celle-ci était consécutive
à un accident du travail ou une maladie professionnelle ou bien d’origine non professionnelle.
Dans la première hypothèse, l’employeur n’avait comme unique solution que de demander la résiliation judiciaire du CDD dès lors qu’il se trouvait dans
l’impossibilité de reclasser le salarié ou qu’il se heurtait au refus du salarié d’être reclassé dans les emplois proposés. En conséquence, la juridiction saisie vérifiait les motifs invoqués à
l’appui de la demande de résiliation judiciaire et fixait le montant de la compensation financière du salarié[1]. Il est évident qu’une telle procédure était inadaptée à la situation en raison
de sa lourdeur et du fait de la durée relativement courte des CDD.
Dans la seconde hypothèse, l’origine de l’inaptitude étant non professionnelle, l’employeur ne pouvait pas demander la résiliation judiciaire du
contrat[2].
Ainsi, si le reclassement était impossible ou si le salarié refusait les propositions de reclassement qui lui avaient été formulées, alors le contrat de travail
ne pouvait être rompu. Il n’existait aucune disposition autorisant la rupture anticipée du CDD lorsque l’inaptitude du salarié n’avait pas d’origine professionnelle. En conséquence, le contrat
était suspendu jusqu’à l’arrivée de son terme.
De la même manière, l’obligation prévue par le code du travail[3] de rétablir le versement du salaire du salarié ni reclassé ni licencié à l’expiration du délai
d’un mois[4] ne s’appliquait pas au CDD. En effet, le contrat du salarié ne pouvait être rompu, le salarié ne pouvant être reclassé et n’étant pas en mesure de fournir sa prestation de travail,
l’employeur n’était pas tenu de lui verser un salaire sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
Ainsi, le salarié se trouvait dans une profonde insécurité juridique et économique à laquelle il était grand temps de remédier.
[1] Art. L.1226-20 du code du travail.
[2] Cass. avis, 29-4-02, n° 02-00.001.
[3] Art. L.1226-4 du code du travail.
[4] Après la deuxième visite de reprise ou la première, en cas de danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié.
Il a fallu attendre une loi en date du 17 mai 2011[1] pour permettre un règlement apaisé de la situation du salarié en CDD, déclaré inapte par la médecine du
travail. L’article 49 de cette loi modifie le code du travail afin d’instaurer la rupture du CDD pour inaptitude physique[2].
Plus précisément, il permet à l’employeur de rompre le contrat de travail pour inaptitude (déclarée par le médecin du travail) peu important son origine et sans
avoir besoin de recourir au juge. Cette nouvelle mesure s’applique aux salariés dont l’inaptitude a été déclarée par la médecine du travail à compter du 19 mai 2011.
Autrement dit, à présent, en cas d’inaptitude d’origine professionnelle, l’employeur peut rompre le CDD de manière anticipée et l’obligation d’en demander la
résiliation judiciaire ne lui incombe plus.
Dans l’hypothèse d’une inaptitude d’origine non professionnelle, l’employeur pourra également rompre le CDD de manière anticipée, permettant au salarié de sortir
de l’effectif de l’entreprise avant l’arrivée du terme de son CDD.
La procédure applicable en cas d’inaptitude d’un salarié en CDD est calquée sur celle applicable en cas d’inaptitude du salarié en CDI à la différence près (en
cas d’impossibilité de reclasser le salarié ou s’il refuse les propositions qui lui ont été formulées) qu’il ne s’agira pas d’un licenciement mais d’une rupture anticipée de CDD.
Ainsi, les obligations de l’employeur en termes de reclassement du salarié restent inchangées. Il devra donc procéder aux recherches de reclassement en prenant en
compte les recommandations émises par le médecin du travail[3]. L’avis préalable des délégués du personnel devra avoir été recueilli en cas d’inaptitude d’origine professionnelle.
De même, passé le délai d’un mois après la deuxième visite de reprise (ou la première, en cas de danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié),
l’employeur devra reprendre le versement du salaire si le salarié n’a pas fait l’objet d’un reclassement ou que son contrat n’a pas été rompu[4]. A savoir que s’agissant des situations nées
antérieurement à la loi du 17 mai 2011 (situations dans lesquelles une demande de résiliation judiciaire du CDD a eu lieu), la chambre sociale de la Cour de cassation[5] considère qu’il incombe
également à l’employeur de reprendre le versement des salaires lorsqu’un mois après la déclaration de l’inaptitude, le salarié n’est pas reclassé et que son contrat n’est pas non plus
rompu.
En outre, le régime indemnitaire est lui aussi aligné sur celui prévu dans le cadre de la procédure d’inaptitude applicable au CDI. Ainsi, l’indemnité de rupture
est au moins égale à l’indemnité de licenciement1. Cette indemnité sera également doublée en cas d’inaptitude d’origine professionnelle[6].
De plus, puisqu’il s’agit de la rupture d’un CDD, il convient d’ajouter à ces indemnités, le versement de l’indemnité de précarité.
[1] Loi n° 2011-525 du 17-5-11 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit ; JO du 18-5-11. Art. L.1243-1 du code du
travail.
[2] Art. L.1226-20 du code du travail. Voir notre étude « La contestation de l’avis du médecin du travail et ses conséquences » dans ce n° d’InFOjuridiques.
[3] Art. L.1226-4-2 ; L.1226-4 ; L.1226-11 du code du travail.
[4] Cass. Soc. 25-5-11, n° 10-10.515.
[5] Art. L. 1226-4-3 du code du travail.
[6] Art. L. 1226-20 du code du travail.
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