Comme le climat, Météo France se détraque, victime des coupes budgétaires de l’État. À force de suppressions de postes et de réorganisations, les agents déplorent une perte de savoir-faire.

FO Hebdo est allé prendre la température au centre météo historique de Trappes, en région parisienne.

C’est au centre météorologique de Trappes (Yvelines) qu’a été réalisé le tout premier lancer mondial d’instruments de mesure de la pression et de la température, en 1898. À l’époque, un panier pesant plusieurs kilos avait été emporté dans les airs par un cerf-volant. C’est aussi là qu’a eu lieu le premier vol de ballon-sonde en 1929.

Quatre-vingt-quatre ans plus tard, les lâchers ont toujours lieu, depuis le même site, toutes les douze heures. Avec les progrès techniques, le ballon n’est plus gonflé à l’hydrogène mais à l’hélium. Et c’est un petit boîtier de seulement 200 grammes qui transmet par voie hertzienne la température, la pression, l’humidité et le vent dans les différentes couches de l’atmosphère.

Après une ascension d’une bonne heure et demie jusqu’à trente kilomètres d’altitude, le ballon éclate sous la pression et la sonde retombe sur le sol, amortie par un parachute. Des lâchers similaires sont réalisés simultanément dans 850 centres dans le monde dont 7 en métropole.

Le centre météo de Trappes a été créé en 1896 par le météorologue Léon Teissenrec de Bort, le découvreur de la stratosphère, sur ses fonds propres. À sa mort, en 1913, le scientifique légua son observatoire à l’État. «Aujourd’hui encore, une partie du terrain ne peut pas être dédiée à autre chose que la météo», explique Isabelle Deschamps, prévisionniste à Trappes et déléguée FO pour la Région Île-de-France– Centre. Le site possède également l’un des 26 radars de Météo France, et il ne peut pas être déplacé. C’est ce qui sauve – pour l’instant – les personnels de la fermeture.

Le service des prévisions emploie quatorze personnes dont douze prévisionnistes qui se relaient pour exercer une veille 24h/24h. «Le rythme est de deux fois 12 heures, jour ou nuit, avec un changement à 7h30 et à 19h30, c’est le maximum autorisé par le Code du travail», poursuit Isabelle Deschamps. Ils travaillent entre trois et quatre jours par semaine, par rotation.

Avec les restructurations, le centre de Trappes réalise désormais les prévisions pour les Yvelines et le Val-d’Oise. Il contrôle les données des différentes stations automatiques dont celle de Chartres, qui a fermé en septembre 2012. Les prévisionnistes assurent également la permanence sur l’aérodrome de Toussus-le-Noble (Yvelines).

Au quotidien, leur activité consiste à surveiller les modèles numériques, à envoyer chaque heure leurs relevés au centre Météopole de Toulouse, à lancer les ballons-sondes, à réaliser les prévisions et à informer leurs abonnés. En cas de phénomènes dangereux, ils doivent alerter les autorités.

Deux fois moins d’effectifs en 2015

Pas de risque en cet après-midi de septembre où le ciel est d’un bleu limpide, le thermomètre frôle les 32°C et le vent se résume à une légère brise. «Aujourd’hui c’est cool, mais en cas d’orage tout le monde appelle: les pompiers, les routes, le château de Versailles...», ajoute Isabelle Deschamps.

Pourtant de gros nuages pointent à l’horizon. «Dans le cadre du contrat avec l’État, l’avenir du site est assuré jusqu’en 2016, après on ne sait pas», poursuit la déléguée FO. Les restructurations se font déjà sentir. L’été dernier, la direction des systèmes d’observation, chargée des innovations techniques et de l’entretien des instruments, a déménagé à Météopole à Toulouse. Quatre cents personnes ont fait leurs valises. Sur le site, il ne reste plus qu’une quarantaine de personnes pour les prévisions, la logistique, les archives, l’entretien du radar...

La station météo de l’aérodrome de Toussus-le-Noble fermera en 2015, entraînant une suppression de postes. Le lâcher de ballons sera également automatisé à partir de 2015, engendrant la disparition d’un poste de nuit. «En 2015, on restera à cinq ou six pour ne plus faire que de la prévision, de l’observation et de la climatologie», explique-t-elle.

Faute de temps et d’effectifs, il n’y a déjà plus de contacts avec le public. Le centre ne reçoit plus d’écoliers comme par le passé. «Avant, on renseignait gratuitement les gens par téléphone, on avait un millier d’abonnés dont un tiers d’agriculteurs, aujourd’hui c’est fini, tout doit être rentable.» Les prévisions sont désormais envoyées par Internet et enregistrées sur un répondeur téléphonique payant. Et bientôt ce ne sera même plus la voix du prévisionniste que les clients entendront mais un message semi-automatique.

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