Force Ouvrière de Côte d'Or

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LA TÉLÉRÉALITÉ, C’EST DU TRAVAIL ! - 140709

Publié le 14 Juillet 2009 par UDFO21 in AFOC 21


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Ne se laissant guère séduire par les arguments de TF1 Productions, la Cour de cassation a donné raison à trois participants de l’émission «L’île de la tentation». Le lien de subordination étant selon elle établi, elle a considéré ces derniers comme des salariés, exerçant une prestation «pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique».

La Cour de cassation vient enfin de se prononcer sur la qualification juridique à donner aux participants de l’émission de téléréalité L’île de la tentation (cass. soc., 3 juin 2009, n°08-40981). Contre toute attente de la part de la doctrine, elle décide de confirmer l’arrêt de la cour d’appel de Paris (12 février 2008, 07/02721) en jugeant que les participants de l’émission de téléréalité sont liés par un contrat de travail à la société de production Glem (aujourd’hui TF1 Productions).

Rappelons le principe du jeu/travail. Quatre couples partent sur une île tester leurs sentiments respectifs face à la tentation de nombreux célibataires de sexe opposé. Pour cela, ils sont filmés quotidiennement lors d’activités en tout genre. À la fin, les couples font le point sur leurs sentiments, mais aucun prix n’est à gagner. Au préalable, les participants signent un «règlement participants», et reçoivent, en échange, une somme de 1 525 euros. La question est donc de savoir si le tournage de l’émission peut s’analyser comme une prestation de travail et si les participants sont liés à la société de production par un contrat de travail.

Le code du Travail ne définissant pas le contrat de travail, la jurisprudence a depuis longtemps pris le relais. Ainsi, le contrat de travail se caractérise par trois éléments:

- la fourniture d’un travail;
- le paiement d’une rémunération;
- l’existence d’un lien juridique de subordination (ce dernier élément étant le critère le plus significatif, soc., 13 novembre 1996, n°94-13.187).

Dans cet arrêt, la Cour va rappeler dans un premier temps que «l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs». Peu importe que les parties ne donnent pas la qualification de relation de travail à leur situation, le statut social s’impose de plein droit si les conditions sont remplies.

Dans un second temps, elle juge que les «participants avaient l’obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu’ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu’ils étaient orientés dans l’analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production, que le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l’extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi». C’est en ce sens que l’existence d’une prestation de travail et du lien de subordination envers la société de production sont caractérisés pour les juges de la Cour. La société de production avait objecté que la qualification de contrat de travail ne pouvait être retenue car l’activité était en étroit rapport avec leur vie personnelle et ne consistait en aucun cas en une prestation de travail. La Cour ne retient pas cet argument car la prestation «consistait pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne».

La solution est conforme à la traditionnelle définition du lien de subordination comme «l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné» (soc., 13 novembre 1996).

Dans un communiqué relatif à l’arrêt, la Cour explique que l’apport majeur de cet arrêt réside dans la «confirmation que le lien de subordination constitue le “critère décisif” du contrat de travail et que, dès lors qu’elle est exécutée, non pas à titre d’activité privée mais dans un lien de subordination, pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique, l’activité, quelle qu’elle soit, peu important qu’elle soit ludique ou exempte de pénibilité, est une prestation de travail soumise au droit du travail».

Cet arrêt est vivement critiqué par la doctrine car, pour elle, il s’agit là d’un jeu et non d’un travail, d’un simple «divertissement entre adultes consentants», relevant de la vie personnelle et non professionnelle et aucun des éléments ne permettant de caractériser le contrat de travail n’est réuni, même si une certaine forme de subordination existe de la part des participants envers la production. Mais la Cour a adopté, à juste titre, une attitude protectionniste pour les participants. Ils sont dorénavant soumis aux règles protectrices du droit du travail.

Télé sûrement, réalité, moins sûr!
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