Par Jean-Claude Mailly Secrétaire général de FO |
S'agissant de l'ex-président d'EADS (salaire de 2,2 millions d'euros par an), il a perçu six mois de préavis, deux années d'indemnités et une indemnité supplémentaire de 2,4 millions d'euros au titre d'une clause de non-concurrence de deux ans. À cela il faut en outre ajouter les stock-options. De quoi vivre modestement pendant... quelques centaines d'années. Nous avons déjà dénoncé ces montants faramineux octroyés par les actionnaires pour s'assurer que le rôle essentiel du P-DG sera bien de tout faire pour valoriser les dividendes, y compris en rognant sur l'investissement et la masse salariale. C'est la logique suicidaire de la financiarisation de l'économie.
On objectera qu'on ne peut pas faire autrement, que ça se passe comme cela dans tous les pays, que c'est le moyen d'avoir de grands P-DG et d'attirer des entreprises, et surtout que tout cela est légal. Rien n'empêche cependant de réviser la loi pour interdire de tels mécanismes, ce à quoi s'oppose en particulier le Medef.
Comme d'autres, Noël Forgeard a été remercié quasiment du jour au lendemain (il a été conduit à remettre sa démission). Auparavant il avait fait des pieds et des mains pour prendre la place de son prédécesseur, de telle façon qu'il avait contribué à fragiliser EADS et, par voie de conséquence, Airbus.
Les P-DG, couverts par les actionnaires, se sont créé un modèle particulier de flexisécurité. Ils peuvent être virés du jour au lendemain (c'est la flexibilité) en empochant de quoi vivre dans l'opulence jusqu'à la fin de leurs jours (c'est la sécurité).
Cette flexisécurité sur mesure n'est, bien entendu, pas celle que la Commission européenne, les gouvernements et le patronat entendent mettre en place pour les salariés. Eux n'auraient pas droit à l'équivalent de cinq années de salaire en cas de licenciement, ce qui reviendrait de fait, pour un salarié de 55 ans, à une préretraite.
Les P-DG n'ont d'ailleurs pas besoin d'aller aux prud'hommes pour faire reconnaître leurs droits, ceux-ci sont spécifiés dès leur embauche dans leur contrat. S'y ajoute même parfois le droit à une retraite équivalente à la moitié de leur dernier salaire jusqu'à la fin de leur vie (plus la retraite du régime général et les retraites complémentaires qui, à ce niveau et en proportion, relèvent de l'argent de poche).
Leur seule obligation est une clause de non-concurrence pendant une certaine période. Mais ils peuvent travailler dans un autre secteur ou se mettre à leur compte, ils ont en tout cas le temps et les moyens de voir venir.
Quand un salarié est viré, certains voudraient lui imposer comme obligation de ne pas pouvoir refuser plus de deux ou trois propositions, sous peine de perdre ses indemnités chômage.
De telles inégalités sont révoltantes. C'est d'une certaine manière la remise en place d'une noblesse vivant sur le dos du tiers état. Et quand il s'agit d'argent tous les coups sont permis, même les plus tordus. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le livre de Laurent Mauduit (Petits conseils), qui décrypte, à travers le cas d'Alain Minc, les meurs et les pratiques de ces princes et de leurs conseillers.
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