Force Ouvrière de Côte d'Or

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Vote électronique : Le retour aux urnes opaques - 110213

Publié le 10 Février 2013 par UDFO21 in AFOC 21

«IL Y A QUATRE À CINQ FOIS PLUS D’ERREURS QU’AVEC LE PAPIER»

Chantal Enguehard, maître de conférences en informatique à l’université Nantes Atlantique et experte du vote électronique.
FO Hebdo: Un vote électronique semble ne jamais se passer totalement bien, est-ce le cas? 
Chantal Enguehard: J’ai étudié plusieurs élections sur plusieurs années depuis 2007 et j’observe des erreurs manifestes de manière continue. L’une des seules vérifications possibles est de voir si le nombre de votes correspond bien à l’émargement. Et il y a quatre à cinq fois plus de différences avec le vote électronique qu’avec le papier. 
Il y a aussi des exemples de dysfonctionnement majeur. Lors de l’élection des députés par les Français de l’étranger en mai dernier, un électeur a montré qu’il pouvait voter pour un candidat qui n’était pourtant plus présent au second tour. Et il y a tous les problèmes qu’on ne voit pas. 

FO Hebdo: Pourquoi y a-t-il autant d’erreurs?
Chantal Enguehard: Le vote électronique pose un problème théorique irréductible par nature. Ce système n’est pas transparent, on ne peut pas voir le déplacement des électrons. Si on voulait suivre les différentes transformations subies par le bulletin durant tout le processus pour vérifier qu’il n’est pas modifié, il faudrait renoncer à la confidentialité. On accepte avec l’informatique des choses qui ne seraient pas admissibles avec le papier. Par exemple des scellés brisés à l’arrivée d’une machine n’empêchent pas le déroulement des élections. 

FO Hebdo: Et le gouvernement laisse faire?
Chantal Enguehard: Les dysfonctionnements sont toujours minimisés par les pouvoirs publics. C’est très lourd de réorganiser des élections, ça ne se fait pas comme ça. Et une élection, c’est toujours une photographie de l’opinion à un moment précis. Les électeurs peuvent avoir changé d’avis entre deux consultations. 

FO Hebdo: Le vote électronique a l’air d’être relativement cadré pour les élections institutionnelles, mais se développe de manière plus anarchique dans les entreprises…
Chantal Enguehard: Il est difficile de savoir ce qui se passe en entreprise, il n’y a pas eu d’étude de recensement, mais on a effectivement l’impression que le vote par Internet s’y développe. Certaines administrations en sont revenues, comme le CNRS. Le problème c’est que les protocoles électoraux sont négociés par des gens qui ne sont pas formés sur la question et le recours en contentieux est très difficile, les syndicats ne sont pas armés pour. 

FO Hebdo: Pourquoi ce mode de scrutin continue-t-il à se développer?
Chantal Enguehard: Derrière le masque du modernisme, les acteurs poussent les vendeurs de logiciels, pour eux c’est un beau marché. Ils promettent que ça coûtera moins cher à l’avenir, mais aujourd’hui le vote électronique reste plus cher que le papier. Par exemple au CNRS, la facture des élections avait triplé. 

FO Hebdo: Pourquoi la question ne fait-elle l’objet d’aucun débat public? 
Chantal Enguehard: J’ai l’impression que tout le monde s’en moque. Les gens sont désabusés, il n’y a qu’à voir la baisse de la participation aux élections politiques. Éloigner le dispositif de vote des électeurs ne va pas arranger les choses. Ils ne peuvent même plus aller dépouiller, ce qui était leur seul rôle citoyen. 

FO Hebdo: Y a-t-il des pistes pour améliorer le vote électronique? 
Chantal Enguehard: Des recherches en informatique sont en cours, mais elles ne sont pas au point. Le problème principal n’est pas la sécurité, comme le prétendent les promoteurs de ce vote, mais la transparence. Pour accepter sa défaite, le perdant doit être certain que les résultats ne sont pas truqués. Pour l’instant tout se passe derrière un écran noir, on ne peut ni prouver la fraude, ni l’absence de fraude. J’estime qu’il faut poursuivre les recherches et ne plus déployer ce système tant qu’il n’est pas au point. C’est jouer avec le feu. 
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