CHRONIQUE D'UN «PLAN DE RIGUEUR» ANNONCÉ

Rigueur, taisez ce mot que je ne saurais entendre! Le gouvernement rejoue Tartuffe. «Oui c'est vrai», selon Mme Christine Lagarde, ministre de l'Économie, «le gouvernement prévoit bien un plan de rigueur (…) destiné à la fonction publique pour l'essentiel (...) puisque le Président de la République a pris l'engagement de ne pas remplacer tous les fonctionnaires qui partent à la retraite (...). On est pas exactement dans les clous pour 2008, [mais] en 2009 on sera à un non remplacement sur deux». M. Claude Guéant, sherpa de l'Elysée, préfère parler d'un «plan de revalorisation» plutôt que de «plan de rigueur». Et à en croire M. Eric Woerth le ministre du Budget et de la Fonction publique, «derrière le mot "rigueur", ce que voulait dire Christine Lagarde c'était le mot "bonne gestion", c'est-à-dire "gestion attentive"». Elle «est ministre de l’Economie, elle a raison de dire qu’il faut de la rigueur dans la gestion», a renchéri le Premier ministre François Fillon avant d’ajouter que «plan de rigueur» et «rigueur, ce n’est pas très différent».

Cette querelle sémantique serait plaisante pour tout linguiste s’il ne s’agissait pas de dissimuler une vérité. Celle exposée lors de la dernière Université d’été par M. Nicolas Sarkozy : «je me suis engagé à ne pas renouveler un emploi de fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Je n’y ai pas renoncé. (...) En décidant de ne pas remplacer un départ sur trois en 2008 (22.700 suppressions de postes, NDLR), on progresse vers l’objectif tout en se donnant le temps de réformer». Et pour ceux qui n’auraient pas compris, le président a ajouté: «à aller trop vite, on risquait de tout compromettre».

Pour Gérard Noguès (FO), «c'est la première fois qu'un gouvernement supprime autant de postes de fonctionnaires. Si ça, ce n'est pas un plan de rigueur, je n'y comprends rien». Du coup la CFTC craint que les conférences sociales prévues à l'automne sur les missions de la Fonction publique ne servent en fait «d'alibi à un plan de rigueur». Les syndicats ne sont pas des linguistes. Ils ne sont surtout pas dupes.